Objection plus grave encore : une pareille conception implique une sorte de rupture de l’harmonie du Cosmos :
Si Dieu descend en personne vers l’humanité, c’est donc qu’il abandonne la demeure qui est sienne. Il bouleverse du même coup l’univers. Or, que l’on change la moindre parcelle de cet univers, et tout l’ensemble s’en va à la débâcle[4].
Puis le moyen d’imaginer un Dieu renonçant provisoirement aux sublimes privilèges de son état ? Celse évoque ici toute la tradition philosophique :
Λέγω δὲ οὐδὲν καινόν, ἀλλὰ πάλαι δεδογμένα : « Je n’avance rien de nouveau, je dis des choses depuis longtemps démontrées. » Dieu est bon, il est beau, il est heureux ; sa situation est la plus belle et la meilleure. S’il descend vers les hommes, c’est donc qu’il s’assujettit à un changement, et ce changement sera (fatalement) de bon en méchant, de beau en laid, d’heureux en malheureux, de très bon en très mauvais. Qui voudrait d’un changement pareil ? — Au surplus, ce qui est mortel est, par nature, sujet aux vicissitudes, aux transformations. Mais ce qui est immortel reste, par essence, toujours identique à soi-même. Dieu ne saurait donc subir un changement de cette sorte[5].