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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/122

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n’y a qu’un seul roi, celui qu’a établi le fils du rusé Chronos[1]. » Si vous annulez ce principe fondamental, naturellement le prince vous châtiera ; car si tous agissaient comme vous, rien n’empêcherait qu’il restât seul et abandonné ; alors l’univers tomberait aux mains des Barbares les plus dissolus et les plus féroces : il ne serait plus question parmi les hommes ni de votre culte, ni de la véritable sagesse[2].

Et plus loin :

Vous devez donc aider l’Empereur de toutes vos forces, travailler avec lui pour ce qui est juste, combattre pour lui et, en cas de nécessité, faire campagne avec lui et conduire avec lui ses troupes[3]… Vous êtes tenus aussi d’accepter les magistratures dans votre pays, si la sauvegarde des lois et le devoir de piété l’exigent[4].

Au point de vue du sens général du pamphlet, des critiques comme Harnack attachent la plus grande importance à cet appel final. Selon Harnack, ce qui domine les préoccupations de Celse, c’est l’avenir de l’État romain. Celse est religieux, parce que l’État a besoin du support de la religion ; ce qui aigrit ses sentiments à l’égard des chrétiens, c’est surtout leur indifférence pour la chose publique. À le lire entre les lignes, le Discours serait avant tout un ouvrage de caractère politique et une offre de paix fort peu dissimulée : « Ne vous placez plus en marge de l’Empire, et nous essaierons de vous supporter[5]. »

Nul doute, en effet, que la pensée d’offrir un modus vivendi n’ait traversé l’esprit de Celse, et qu’elle ne lui ait été imposée par les réussites déjà surprenantes de la propagande chrétienne. Mais elle ne tient, en somme, dans la Parole de Vérité, qu’une place fort restreinte ; là même

  1. Iliade, II, 205.
  2. VIII, 68.
  3. VIII, 63.
  4. VIII, 75. Cf. VIII, 55.
  5. Cf. Mission und Ausbreitung des Christentums, 3e édit., t. I, p. 474 et suiv.