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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/169

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Origène se refuse à admettre que d’améliorer la moralité individuelle puisse jamais nuire au salut d’un État : or, telle est la tâche, telle est la plus certaine réussite de la foi. Mais il refuse aussi de se passionner pour les formes sociales et politiques autour desquelles son adversaire avait sonné le ralliement. L’organisme de l’État ne lui inspire, convenons-en, qu’un intérêt médiocre. Cette indifférence ne procède pas chez lui d’un égoïste mépris du devoir civique, d’une lâche désertion devant le péril commun. Non ! Mais il est persuadé, en bon platonicien qu’il est à sa façon, de l’immense supériorité du monde invisible sur le monde sensible. Il vit par la pensée, par le rêve métaphysique, par l’ardente aspiration de son cœur, dans un Au-delà auprès duquel les réalités d’ici-bas lui semblent trop chétives, trop précaires, pour accaparer le meilleur de l’effort humain. En tout cas, c’est au service des églises, véritables « corps de patrie » (σύστημα πατρίδος) installés dans chaque ville, qu’il souhaite que tout chrétien cultivé réserve son activité.

Un tel état d’esprit ne pouvait que consterner — Celse, non pas : il était mort depuis longtemps au moment où Origène réfutait son opuscule —, mais les nombreux païens qui, animés du même souci que Celse, continuaient de placer l’État, tuteur des traditions nationales, garant des biens matériels, au premier plan de leurs préoccupations.

Tout ce débat non seulement nous permet de voir clair dans deux mentalités à la fois apparentées et profondément étrangères, mais il décèle quelques-unes des raisons qui attirèrent sur le christianisme naissant tant de haines, et suscitèrent entre lui et les pouvoirs publics de si tragiques conflits.