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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/214

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Jérôme ne souffle mot de Phlégon. Il connaissait pourtant son nom, car nous rencontrons une allusion à Phlégon, sans qu’aucune polémique s’y mêle, dans la Chronique qu’Eusèbe de Césarée rédigea au début du ive siècle, et que traduisit Jérôme vers 380. On y lit à l’année 2047 d’Abraham (= Olymp. 203, 3[1]) :

… Jésus souffrit dans la dix-huitième année de Tibère. À cette date, nous trouvons, même dans d’autres commentaires païens, ceci mot pour mot : « Une éclipse de soleil se produisit, la Bithynie fut ébranlée par un tremblement de terre, et à Nicée nombre d’édifices s’écroulèrent. » Tout cela concorde avec les faits survenus lors de la Passion du Sauveur. Phlégon, qui a calculé avec habileté les Olympiades, écrit à ce propos dans son XIIIe livre : « La quatrième année de la 202e Olympiade se produisit une forte éclipse, la plus grande qu’on eût jusqu’alors connue. La nuit survint à la sixième heure du jour, au point qu’on aperçut les étoiles dans le ciel[2]. Un grand tremblement de terre en Bithynie détruisit la plus grande partie de Nicée. » Voilà ce que raconte le susnommé !

V

À lire les divers textes où Phlégon est nommé, une double observation s’impose.

Tout d’abord, on aurait tort de croire qu’il ait été constamment allégué comme un témoin de la véracité évangélique par les écrivains ecclésiastiques qui ont fait allusion aux ténèbres concomitantes à la mort du Christ. Sur ce point, certains historiens et apologistes modernes se sont laissés aller à des exagérations fâcheuses. Par exemple Dominique de Colonia, dans sa Religion chrétienne

  1. Éd. Heim, 1, 174. C’est la traduction de saint Jérôme : Georges le Syncelle nous a conservé le texte grec : cf. Harnack, Altchristl. Lit., p. 867.
  2. Les mots soulignés ne méritent pas, semble-t-il, beaucoup de confiance, comme on le verra tout à l’heure.