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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/225

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se ressaisir et à chercher dans la philosophie le réconfort dont elle a besoin.

Imaginons un chrétien cultivé de la fin du iiie siècle lisant cet opuscule. Certes, il y eût rencontré, en petit nombre, quelques passages inquiétants, quelques expressions inacceptables. Celles-ci, par exemple :

L’homme digne de Dieu est déjà en quelque sorte Dieu lui-même… Le sage est le seul prêtre, le seul homme religieux, le seul qui sache prier… Dieu n’est ni ému par les larmes et les supplications, ni honoré par les sacrifices, ni paré par la multitude des offrandes… L’âme est habitée ou par des dieux ou par des génies. Quand ce sont les dieux qui l’occupent, l’âme dit et fait le bien ; mais quand elle est habitée par un mauvais génie, elle ne fait rien que de mauvais[1].

Mais de quel cœur il eût approuvé l’esprit de piété, de détachement, d’ascétisme, la haute et forte inspiration religieuse qui y circule d’un bout à l’autre ! N’y eût-il pas perçu, dans tel passage que j’ai cité, comme un écho de saint Paul lui-même et une formule toute voisine de celle dont l’apôtre s’était servi pour définir les trois vertus fondamentales du chrétien, la foi, l’espérance, la charité[2] ? Quoi de plus rassurant qu’une telle analogie de pensée ?

II

C’est pourtant ce rigide et pieux idéaliste qui a été, après Celse, et plus encore que Celse, le plus redoutable

  1. Ibid., §§ 15 ; 16 ; 19 ; 21.
  2. I Corinthiens, XIII, 13. L’origine de cette formule a donné lieu à de grands débats entre Harnack, Reitzenstein, Cœssen, Geffcken. Leur discussion est résumée dans Geffcken, Der Ausgang des griechich-rœmischen Heidentums, Heidelberg, 1920, p. 271-272.