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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/224

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on aime le corps et ce qui se rattache au corps, plus on ignore Dieu et l’on obscurcit en soi la vision de Dieu… Si vous vous souvenez toujours que, partout où va votre âme et où elle met votre corps en jeu, Dieu est témoin de vos pensées et de vos actions, vous vous surveillerez devant un témoin si saint, et vous, aurez Dieu avec vous… La religion a quatre fondements principaux : la foi, la vérité, l’amour, l’espérance. Il faut croire, parce qu’il n’y a pas de salut pour qui ne se tourne pas vers Dieu ; il faut mettre tous ses soins, toute son application à connaître la vérité sur Dieu ; quand on le connaît, il faut l’aimer ; quand on l’aime, il faut nourrir son âme de nobles espérances au sujet de la vie. C’est par les nobles espérances que les bons l’emportent sur les mauvais — tels sont les fondements de la religion… Les hommes atteints de la fièvre sont, du fait de la maladie, tourmentés sans cesse par la soif et ont envie des choses qui leur sont le plus contraires : de même ceux qui n’ont pas l’âme en bon état manquent toujours de tout et, par suite d’un appétit morbide, sont en proie à une soif insatiable de jouissances[1]

C’est à sa femme Marcella que, déjà sur le déclin de l’âge, Porphyre adressait ces exhortations pieuses, cet énergique sursum corda. Il l’avait épousée depuis peu — sans fortune, de santé chétive, et mère de sept enfants, dont les derniers étaient encore en bas âge. Ce qu’il avait aimé en elle (il le lui avoue avec une franchise peut-être un peu cruelle[2]), ce n’était pas la femme, mais une belle intelligence, capable de comprendre toutes les spéculations — et le souvenir de son premier mari, en qui il avait eu un compagnon de sa pensée. Obligé, après dix mois de mariage, de partir pour la Grèce, il la sentait toute désemparée. Sa lettre, qui n’est nullement une lettre intime, mais, comme disaient les anciens, un véritable « protreptique », a pour objet ou plutôt pour prétexte de l’aider à

  1. Ép. à Marcella (éd. Nauck, dans la Teubneriana), §§ 7 ; 12 ; 13 ; 20 ; 26 ; 27.
  2. Ép. à Marcella, § 33.