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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/430

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s’y installer définitivement en 354. Il put donc observer de près la vie chrétienne, dont Antioche était un très actif foyer. Il aurait fallu autre chose que les luttes dogmatiques et les violences dont quelques années plus tard saint Jérôme devait s’avouer excédé, pour modifier les sentiments peu favorables que lui inspirait le christianisme. Non qu’il eût une âme de persécuteur, ou même qu’il se fit scrupule d’entretenir de cordiales relations avec des catholiques authentiques. Il était tolérant, et d’une obligeance qui s’employa plus d’une fois au bénéfice des chrétiens brimés par les fonctionnaires de Julien[1].

Mais de bonne heure il eut l’impression, la certitude, que le christianisme menaçait la civilisation grecque, et que les mesures de rigueur portées par les princes chrétiens allaient l’entraîner aux abîmes. La responsabilité de Constance lui apparaissait singulièrement lourde.

Le père de Constance avait dépouillé les dieux de leurs richesses. Lui, il rasa les temples, abolit tous les rites sacrés, et se donna — à qui, nous le savons ! L’avilissement de la religion s’étendit aux lettres, et cela se conçoit, car la religion et les lettres se tiennent par une étroite parenté : elles sont sœurs[2].

Ce fut pour lui un immense soulagement quand il vit Julien, qui l’appelait son « compagnon » (ἑταῖρος), entreprendre sa tentative de défense et de revivification de l’hellénisme. Julien devint pour lui l’idéal du prince religieux, en commerce permanent avec les dieux[3]. Il n’hésitera pas à le diviniser et même à lui attribuer le don des miracles[4]. Aussi la mort inopinée de son prince aimé lui inspira-t-elle

  1. Voir P. Allard, Julien l’Apostat, t. III, p. 98-102.
  2. Πρὸς τοῦς ἀποσκώψαντας, Or. 62, 8 (Förster, IV, 350).
  3. Or. 37, 3 (Förster, III, 241). Voir le texte cité ici même, p. 387.
  4. Or. 18, 177 (Förster, II, 313).