Aller au contenu

Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/441

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une connaissance directe des Évangiles, est la suivante. De la résurrection de Jésus ou de celle de Lazare, quelle est celle qui est promise aux fidèles ? Si c’est celle de Jésus, il est singulier que des créatures du type ordinaire soient assimilées à celui qui n’était pas né de l’homme. Si c’est celle de Lazare, la préfiguration paraît également inopérante, car ce fut son propre corps qui fut réanimé, tandis que, pour les autres êtres, leur corps tombé en poussière sera extrait du mélange universel[1]. — Puis, si la résurrection doit être suivie d’un état heureux, affranchie des besoins et des souffrances physiques, pourquoi le Christ ressuscité a-t-il pris de la nourriture, a-t-il montré ses plaies ?

Autre difficulté, que, de leur aveu, les païens tiraient de Porphyre[2]. (C’est donc chez le philosophe néo-platonicien qu’en ce début du ve siècle les ennemis lettrés du christianisme allaient encore se ravitailler.) — Si réellement le Christ est la seule voie de salut, qu’est-il advenu des hommes qui ont vécu dans la longue suite des âges antérieurs à son apparition[2] ? Pour se limiter à la période romaine, pourquoi Rome est-elle restée huit siècles sans connaître la foi ? Quel a été le sort des innombrables âmes, qui, sans qu’il y eût de leur faute, ont ignoré le Christ ? On appelle Jésus « le Sauveur » : comment ce Sauveur a-t-il pu se dérober si longtemps à sa mission ?

Autre chose encore[3]. Les chrétiens condamnent les cérémonies, les sacrifices, l’encens, tous les rites païens. Mais n’ont-ils pas, de très bonne heure, employé eux-mêmes les formes cultuelles qu’ils affectent de repousser ?

  1. Cf. plus haut p. 277. L’objection dérive de Porphyre.
  2. a et b § 8.
  3. § 16.