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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/46

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de son enseignement. Sa vie s’encadra, semble-t-il, entre 60 environ et 140. Né à Hiérapolis, il vint de bonne heure à Rome, où il fut esclave d’Épaphrodite, le riche affranchi de Néron, celui-là même qui aida le prince à se tuer. Affranchi à son tour par son maître, Épictète resta à Rome jusqu’en 89. Quand Domitien eut chassé de la ville les philosophes, il se retira à Nicopolis, en Épire, et y enseigna jusqu’à sa mort.

Faire « des hommes affranchis de toute entrave, de toute contrainte, libres, tranquilles, heureux, qui tournent leurs regards vers Dieu dans les petites comme dans les grandes choses[1] » ; assurer ainsi la totale indépendance, l’entière autonomie de la conscience, non pas pour déchaîner les instincts, mais pour enseigner, au contraire, le grand art de « supporter » ce qui vient du dehors, et de « s’abstenir » de la poursuite des biens extérieurs : tel fut le fond même de la doctrine d’Épictète. Aucun moraliste n’a peut-être mis une insistance plus obstinée à prêcher le détachement absolu.

Mais voici qui donne à cette doctrine, de couleur stoïcienne, sa nuance originale. Épictète est une âme profondément religieuse ; il devient lyrique dès qu’il parle de Dieu. Se conformer à la volonté de Dieu, accepter ses « commandements » (προστάγματα) ; sentir dans son âme la constante présence divine ; ne rien faire qui puisse souiller l’habitacle humain où Dieu réside ; célébrer ses louanges, le remercier de ce qu’il a fait pour nous, c’est à quoi Épictète convie sans cesse ceux qui veulent apprendre de lui le secret du vrai bonheur.

  1. Entretiens, II, 19, 29.