Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/70

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tit, et cherche à améliorer son mari. Celui-ci persévère dans ses errements anciens, et éveille de tels scrupules dans l’âme de la néophyte qu’elle songe à se séparer de lui. Elle s’y décide quand elle apprend les débauches auxquelles il s’est livré pendant un voyage à Alexandrie. Le mari essaie de se venger d’elle et l’accuse d’être chrétienne ; momentanément paralysé par une question de procédure, il tourne sa fureur contre un certain Ptolémée, qui l’avait instruite dans la foi, et obtient contre lui une condamnation à mort.

Le rapport entre ce passage de la IIe Apologie et le texte litigieux d’Apulée n’apparaît pas nettement, et je ne vois pas qu’on puisse en tirer grand’chose. C’est à une païenne que saint Justin impute corruption et ivrognerie, pour mettre en valeur la guérison morale que sa conversion lui a apportée. Que ces accusations reviennent dans le portrait dessiné par Apulée, cela ne nous aide aucunement à deviner si c’est ou non une femme chrétienne qu’il prétend peindre : les deux esquisses ne se superposent pas. — Toute la question est de savoir ce que signifie cette croyance qu’il lui prête en un Dieu « qu’elle déclare unique ». Or, le monothéisme n’a rien de spécifiquement chrétien. Il est fort possible qu’Apulée ait visé une convertie au judaïsme. On sait que le judaïsme faisait des recrues assez nombreuses dans les milieux païens : ceux mêmes qui n’adoptaient que le dogme fondamental du judaïsme, à savoir le monothéisme, formaient une catégorie distincte, les « craignant Dieu », tandis que le titre de prosélyte était réservé à ceux qui se conformaient à tous les rites de la loi juive. On peut admettre que la femme si sévèrement traitée par le Lucius d’Apulée appartenait à l’une ou à l’autre de ces deux catégories, fort mal vues dans le monde romain.