Aller au contenu

Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Vienne, au lendemain de la tuerie[1]. C’est au cours de cette longue suite d’épreuves que, parmi tant d’autres victimes, une humble servante, Blandine, épuisa avec un courage incroyable le cycle hideux des supplices de l’arène, — tour à tour déchirée de coups de fouet, grillée sur la chaise de fer rougie au feu, enveloppée d’un filet pour être livrée à un taureau furieux.

Or l’empereur n’avait pas eu un mot de blâme pour l’attitude du légat, qui avait maintenu des arrestations opérées sous la pression de la foule, et en avait accru le nombre par une inquisition policière peu légale au regard des prescriptions de Trajan. Marc avait même engagé plus avant sa responsabilité, puisque consulté par le légat sur un cas litigieux, il avait laissé tomber une menace de mort — vite exécutée — sur tout inculpé qui se refuserait à l’apostasie.

Qu’il ait connu les chrétiens, et l’essentiel de leur doctrine, la chose n’est pas douteuse. Ni son maître Fronton (nous le verrons), ni son conseiller intime Rusticus, ne durent lui donner d’eux une favorable impression. Préfet de Rome de 169 à 168, c’est Rusticus qui prononça le verdict de mort contre saint Justin. Or Marc-Aurèle a noté l’influence intellectuelle que ce philosophe haut fonctionnaire exerça sur sa pensée[2]. — Lut-il les apologies qui lui furent adressées par Miltiade, Apollinaire d’Hierapolis, Méliton de Sardes, Athénagoras ? Nous ne savons. En tous cas, son préjugé resta inentamé.

Il parle d’eux une fois dans ses Réflexions intimes, ce

  1. Ap. Eusèbe, H. E., V, 1 et s.
  2. Pensées, I, 7.