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l’orage qui avait crevé si opportunément, la chose n’est pas douteuse, puisque la fameuse colonne de Marc-Aurèle, élevée sur le Champ-de-Mars en 176 et qui se voit encore aujourd’hui à Rome, sur la place Colonna, reproduit l’épisode, interprété en ce sens, dans une section de ses reliefs quelque peu mutilés.

Mais que Marc-Aurèle se soit persuadé que le miracle ait été dû aux implorations chrétiennes, voilà une hypothèse que toute son attitude ultérieure dément. Personne, au surplus, ne conteste que sa prétendue lettre, dans les termes où nous pouvons la lire, ait été forgée.

Cette légende contribua beaucoup à incliner vers Marc-Aurèle des sympathies qui, mieux informées de ses sentiments véritables et de ses procédés réels, se seraient sans doute plus parcimonieusement réservées.

Car Marc-Aurèle fut persécuteur.

« Il le fut, remarque le P. Lagrange[1], plus que ses prédécesseurs immédiats, plus que certains tyrans, atroces et stupides, plus que son propre fils Commode. » « On a dit, écrit Camille Jullian[2], qu’il ignora la persécution [de 177] ; tout montre, au contraire, qu’il la connut, et qu’il approuva les poursuites jusque dans leurs dernières conséquences, c’est-à-dire jusqu’au massacre. »

Il serait superflu de raconter ici l’épisode bien connu dont la ville de Lyon fut le théâtre, cette année-là. Ce poème de souffrance et d’héroïsme nous a été conservé dans l’admirable lettre rédigée par les Églises de Lyon et

  1. Dans ses remarquables articles de la Revue Biblique, 1913, p. 243 et s. ; 394 et s.
  2. Hist. de la Gaule, IV, 489.