Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/126

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avoir d’aimable en moi et je lui pressai affectueusement la main en disant :

— Je suis le Père missionnaire qui vient prêcher la retraite ici aux Canadiens-français comme vous. Entre Canadiens, on se comprend toujours.

Il m’offrit un siège, déposa sur son pupitre un livre de Zola (un très méchant auteur), et me demanda si je venais lui chercher de l’argent.

— Ni or, ni argent, mon cher compatriote, mon cher frère. Je viens vous demander une chose que vous voulez faire depuis longtemps, je n’en doute pas : de vous relever à la glorieuse hauteur d’un chrétien. Vous êtes, je le sais, un respectable citoyen de cette ville, mais Dieu vous a choisi un siège, fait exprès pour vous, placé bien plus haut que celui du président des États et où vous reposeriez pendant toute l’Éternité.

— Mon Père, dit-il, je connais maintenant les deux côtés de la médaille et je ne m’occupe plus de ce qui m’arrivera après la mort ; j’ai assez d’ouvrage à me garer contre les voleurs de la vie présente. Dieu me prendra tel que je suis ou ne me prendra pas, c’est son affaire.

— Mais s’il ne vous prend pas, ce n’est pas lui mais c’est vous qui en souffrirez. Tout péché mérite punition, mon ami. Ne croyez-vous pas que celui qui vous a volé mérite un châtiment ?

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