Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/152

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Nous avons quitté nos sauvages filant leurs six nœuds à l’heure dans leur glissant canot d’écorce. Ils arrivèrent à la mission et cherchèrent le chef Estlo qui les conduisit au parterre en face de l’Église. Sachant que le Père Arnaud était pour passer là sous peu, il les fit asseoir sur l’herbe. Tout à coup la porte du presbytère s’ouvre, un beau vieillard, un peu voûté, portant sur sa tête une couronne de cheveux blancs comme la neige, et sur la figure un air de bonté captivante, apparait à leur regard. Le Père Arnaud, car c’était lui, les aperçut, et courut en s’écriant : « Natsipi ! Natsipi ! » ; puis le pressant sur son cœur, il lui dit dans la belle, très belle langue sauvage : « Mon cœur se fond avec le tien pour n’en faire qu’un. Tu veux prier, n’est-ce pas ? » Natsipi répondit : « Ni wi aiamiàn (je veux prier). » Et sa femme de s’écrier : « Et moi aussi, je veux prier. » Puis ils racontèrent au Père Arnaud toutes les menaces du mauvais génie dans le but de les empêcher de venir prier avec lui.

Le Père Arnaud les instruisit des vérités de notre sainte religion, les baptisa, les admit à la Table Sainte. Ils restèrent attachés à la réserve de Bethsiamits et tinrent toujours une conduite exemplaire.

Heureux pour l’éternité sont ceux qui ne résistent pas à la grâce de Dieu qui veut sauver tout le monde.

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