Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/23

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Ma sœur me mit dans mon lit en disant : « Quand tu seras défâché et que ton visage paraîtra celui d’un chrétien, je viendrai prier avec toi et tu mangeras la bonne soupe au lait que maman a faite. » Puis elle s’éloigna.

Mais mon orgueil n’était que blessé, il n’était pas mort. Je sortis de la tranchée de ma couchette et me mis en frais de gagner le front pour prendre rang parmi les combattants armés de couteaux et de fourchettes. Ils paraissaient décidés à gagner une victoire complète avant de cesser le combat. Avant d’arriver au champ de bataille où je devais briller par mon courage, je fus arrêté par ma sœur qui, de nouveau, me prit sur l’un de ses bras et de l’autre m’appliqua quelques tapes sur un endroit choisi par elle-même.

Elle me mit dans mon lit, me couvrit d’un beau petit couvre-pied à courtes-pointes qu’elle avait fait expressément pour moi et, sans mot dire, elle alla continuer son déjeuner. Je pleurai longtemps : je versai d’abord des larmes de colère, puis celles d’un suppliant ; à la fin ce n’était plus que les sourds gémissements d’un vaincu.

Ma marraine vint me faire visite dans le retranchement de mon orgueil froissé, se pencha sur ma couche, me donna un gros baiser en disant : « Viens, je vais t’aider à faire ta prière au bon Dieu. » Elle m’aida

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