Page:Lacasse - Une mine de souvenirs, 1920.djvu/72

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n’est rien que cela, mon cher petit cousin ; des choses pires que cela sont arrivées au Prince de Galles. » Découragé, humilié, je dis à Madame que, si elle voulait bien me donner mon porte-manteau, j’allais m’en aller. « Oh ! mille fois non ; il faut que vous dîniez avec mon héroïne ! » — « Mais, j’ai dîné, Madame. » — « Oui, mais en ville, on ne prend pas de souper. En revanche, on dîne deux fois. » Force me fut donc de retourner au salon. Je n’oublierai jamais le moment critique où je mis le pied sur le seuil de la porte. Tous les regards se portèrent sur moi, sur moi, suivi de Madame L’Heureux qui venait de me nettoyer. La honte fut si grande qu’elle me bouchait les yeux, et c’est guidé par instinct que j’allai m’écraser dans ma chaise bourrée qui était loin de valoir celle d’empaillure d’orme que j’avais à la maison.

Les plaisanteries continuèrent. « Allons ! me dit l’un des convives, toujours que nous ne savons pas encore son nom. » — « Si ça vous gêne de nous le dire, écrivez-le nous sur ce papier que je garderai comme un souvenir », dit une jeune demoiselle. Vraiment, je n’étais pas dans un état d’âme qui me permit de rire. Alors, d’un ton sérieux, accentuant chaque syllabe, je répondis, en dressant la tête, aux éclats de rire de toute l’assemblée : « D’ailleurs, Mesdemoiselles, maman ne veut pas que j’aille voir les fil-