Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/241

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Rêvant pour toi paix et bien-être,
Je t’installai près du foyer,
D’où l’on peut voir par ma fenêtre
Au vent se bercer le vieux hêtre;
Au ciel le nuage ondoyer.

Mais d’abord, farouche, irascible,
Comme un captif chez son geôlier,
Poète au silence invincible,
Tu restas froid, morne, insensible,
A mon accueil hospitalier.

« Sois libre ! je hais l’esclavage !
Loin d’ici veux-tu t’envoler ?
Pars ! retourne au natal bocage ! »
J’ouvris la fenêtre et ta cage ;
Tu refusas de t’en aller !

Reste donc, et sois béni, frère !
Tu n’as pas fui mon amitié.
Le sort m’est si dur et contraire,
Que j’ai besoin, cœur solitaire,
D’un cœur qui me prenne en pitié !

Et dès lors ma sollicitude
Veilla sur toi sans t’alarmer.
De me voir tu pris l’habitude,
Et, soit instinct, soit gratitude,
Tu finis, je crois, par m’aimer.