Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/242

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Chaque jour ma main fraternelle,
Te prodiguant les soins jaloux,
T’offrait le grain et l’eau nouvelle ;
Et sur moi ta noire prunelle
Dardait un regard vif et doux.

L’hiver, l’horrible hiver du Siège,
Quand tout Paris manquait de pain,
Cerné par le Hun sacrilège,
Malgré la disette et la neige,
Toi du moins tu n’eus froid ni faim.

Jours d’angoisse ! ô malheurs célèbres
Dont mon cœur saigne avec orgueil !
Toi, pendant ces heures funèbres,
Hôte muet de mes ténèbres,
Ton deuil répondait à mon deuil.

Au bruit sinistre de la bombe
Qui passe effleurant la maison,
D’un vivant partageant la tombe,
Tu me rappelais la colombe,
La colombe d’Anacréon.

Ta présence en ma nuit morose
Évoquait mon soleil natal,
La plaine où mûrit la jam-rose,
Nos monts d’azur que l’aube arrose,
Tout mon beau ciel oriental ;