Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


La première à tes yeux transfigurant les choses,
D’un voile éblouissant t’en cachait la hideur ;
Épousant ta tristesse aux jours les plus moroses,
Entre la vie et toi l’autre avait mis son cœur.

D’un double dévoûment ineffables modèles,
Consolant tour à tour ton cœur et ton esprit,
Toutes deux à l’envi te restèrent fidèles
Jusqu’à l’heure où la Mort dans leurs bras te surprit.

O Poésie ! heureux qui de ton miel s’abreuve.
Et quels que soient ses maux sous un ciel rigoureux,
Celui qui t’a trouvée aux heures de l’épreuve,
Celui-là ne peut pas se dire malheureux.

Il a connu par toi les plus hautes ivresses
Qu’à l’homme il soit donné de connaître ici-bas ;
De terrestres tu fis devines ses tendresses,
Et le monde étoilé s’ouvrit devant ses pas.

Tu consacres l’élu que ta grâce visite.
De céleste origine et fille de l’azur,
Tu n’habitas jamais que les âmes d’élite :
L’esprit sincère et droit, le cœur loyal et pur.

L’impur, le déloyal, le parjure, le fourbe,
Le traître à l’amitié, l’ingrat aux instincts bas,
Rimant leurs lâchetés, peuvent, ignoble tourbe,
Se réclamer de toi, — tu ne les connais pas !