Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/37

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Oui, tes propres vertus, tes fiertés, tes noblesses,
Tu les verrais te nuire un jour et te trahir !
Le lâche traduirait tes pitiés en faiblesses !…
Ah ! tu sais trop aimer, ami ; crains de haïr !

Haïr, c’est s’abaisser ! Lutter, la lutte est vaine !
À d’odieux combats n’avilis pas ta main !
Prise plus haut le sang qui coule dans ta veine :
L’hydre au fiel venimeux ne vaut pas ton dédain !

La foule est ainsi faite, ami, je l’ai connue :
Pour y vivre, il faut être ou victime ou bourreau…
Rien plutôt ! que l’éclair s’éteigne dans la nue !
Que le glaive insouillé dorme vierge au fourreau !

Vis pour ton art. Renonce aux rêves du bel âge.
Comme un lac de montagne au flot clair et dormant,
Reflète en ton esprit l’étoile et le feuillage ;
Vis et mûris pour Dieu dans ton isolement.

La solitude est douce à l’âme et salutaire.
Élabore en secret, lys des grands bois, ton miel.
Que ton cœur, clos et mort du côté de la terre,
Ne reçoive le jour que du côté du ciel !