Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/235

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Tu n’as plus à songer, à lutter, à gémir ;
Immobile et muet, tu n’as plus qu’à dormir !
Pour moi, je vais rester où le destin m’attache,
Me tourner vers mon but, me remettre à ma tâche
Et, matelot en proie à des flots inconstants,
Fendre, la rame en main, les vagues de mon temps.
Je vais, blâmant nos mœurs d’esclavage et de chaîne,
Invoquer en mes vers cette époque prochaine
Où nous verrons enfin se fondre sans retour
Les luttes dans la paix et les cœurs dans l’amour.
D’un haut et juste espoir mon âme est fécondée !
Ma fleur contient un fruit et mon vers une idée.
Je veux, du vrai, du bien exaltant les penchants,
Être utile au malheur, le servir par mes chants.
Mais, pour me soutenir en ma route âpre et sainte,
Souvent, avec la nuit, je franchirai l’enceinte
Des jardins où tu dors ; et là, seul avec toi,
Cher ! te contant ma vie et te parlant de moi,
Je te dirai mes jours, mes luttes, ma souffrance.
Et puis nous causerons des temps de notre enfance :
De nos jeux sous les bois, au bord des calmes eaux ;
De nos rizières d’or où chantaient les oiseaux ;
Des arbres du Champborne, et de l’humble chaumière
D’où l’aube ruisselait en gouttes de lumière.
Et puis, laissant du haut d’un passé radieux
Tomber sur le présent ma pensée et mes yeux,
Oui, je bénirai Dieu qui, soufflant sur ta flamme,
A de mes jours mauvais affranchi ta jeune âme.
Et, plein du souvenir de nos premiers bonheurs,