Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Il fut un âge où, plein de juvéniles fièvres,
Devant le crime heureux mon esprit s’irritait ;
Où, l’indignation brûlant mes jeunes lèvres,
Vers toi de ma poitrine un hymne ardent montait.

Hélas ! c’est que j’entrais à peine dans la vie :
De justice altéré, dans le bien ayant foi,
Âme aspirant toujours, toujours inassouvie,
Je voulais l’idéal qui gémissait en moi ;

C’est que, des jours faisant le dur apprentissage,
Des êtres les plus chers frappé sur mon chemin,
Je sentais l’amitié, fragile appui du sage,
Se brisant sous mes doigts, m’ensanglanter la main ;

C’est que, partout blessé dans mes rêves austères,
Devant le fait brutal, mon regard consterné
Voyait, agenouillés, tes prêtres adultères
Trahir ta cause aux pieds de Satan couronné ;

C’est qu’au sang des martyrs trempant leurs mains cruelles,
Je voyais les bourreaux railler les dévoûments,
Et que, perdue enfin dans ses doutes rebelles,
Mon âme errait en proie aux épouvantements !

Des lamentables faits interrogeant les causes,
C’est alors que, sondant ton insondable loi,
Suprême Ordonnateur des esprits et des choses,
Du mal que je voyais je n’accusais que toi ;