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Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/32

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LA MÈRE

Ô jeunesse ! ô candeur ! saintes illusions !
Et tu veux attendrir l’homme et ses passions !
Sur le sol des bienfaits germe l’ingratitude.
De ton propre bonheur fais plutôt ton étude.
Régénérer les jours ? mais c’est l’œuvre du temps !
Lui seul fait aux hivers succéder les printemps.
L’envieux, sous ton ombre abritant sa couleuvre,
De ses impurs venins viendra salir ton œuvre.
O misère ! il dira qu’on peut voir à la fois
Des flammes dans tes yeux et du sang dans ta voix,
Et qu’il sait lire, au jour de sa pensée intègre,
Ta haine pour le blanc sous ta pitié du nègre !…
L’homme est vain et crédule et méchant tour à tour :
D’avoir aimé sa cause il nous punit un jour.

LE FILS

Eh ! que me fait à moi son amour ou sa haine ?
Insensé qui se fie à la justice humaine !
Bien plus loin, bien plus haut, j’ai placé mon espoir.
Par la vertu dicté le chant est un devoir.
Du poète ici-bas la mission est sainte :
Sa tête, de laurier moins que d’épine est ceinte ;
Il se doit, il se donne ; à Dieu seul de juger !
Il songe à l’avenir et non point au danger.
Eh ! qu’importe d’ailleurs ! l’orage a son ivresse.
Je sens battre à mon front le sang de la jeunesse
Et j’ai soif d’action ! Las d’un rongeant repos,