Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/331

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Sur les marges de l’onde errent en liberté
Quelques bœufs indolents, et sur la rive herbeuse
Promènent au hasard leur nonchalance heureuse.
Plus loin un taureau blanc et de brun moucheté,
Dans la brousse couché, humant la brise agreste,
Les yeux à demi clos, rumine et fait la sieste.
Là-haut, entre les rocs rudement étagés,
Hérissés de cactus, de lianes chargés,
D’un pied nerveux et sûr que nul gouffre n’arrête,
Grimpe la chèvre alerte aux bonds capricieux.
Tout à coup on la voit qui, debout sur la crête
D’où tombe la cascade à flots vertigineux,
Profile sur le ciel sa noire silhouette.

Sur la rive opposée, à gauche du ravin,
L’eau du tranquille étang court sur le sable fin
Que borde un frais talus d’herbe tendre et de mousses.
Ici, les flancs du mont ont des rampes plus douces,
Et les arbres à fruit au soleil exposés
Épandent leurs berceaux sur les versants boisés :
Dans l’obscure épaisseur de ses fortes ramures
Le tronc noir du manguier montre ses grappes mûres ;
Le goyavier aux fleurs blanches, aux fruits dorés,
La souple grenadille aux pétales pourprés,
L’atte et le bibacier, pittoresque assemblage,
Dans un même parfum confondent leur feuillage.
L’oiseau bleu de la Vierge aux instincts familiers,
L’inoffensif oiseau des monts hospitaliers
Se plaît dans cette ombreuse et tiède solitude :