Page:Lacaussade - Poésies, t2, 1897.djvu/81

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Se souviendra toujours que ses lèvres jumelles
Ont sucé l’existence à tes brunes mamelles.

Il ira, cet enfant dont le front révolté
Porte un natal reflet de ta mâle âpreté,
Il ira sur tes monts où siègent les nuages,
Bleus-palais éthérés de l’esprit des orages ;
Et là, seul avec toi, si dans l’ombre des nuits
Il exhale en secret l’hymne de ses ennuis,
Mère, à sa voix pardonne un accent de colère :
Cette voix dut flétrir ta honte séculaire.
S’il naquit pour chanter les bois, les eaux, les fleurs,
Le sort ne lui fut pas avare de douleurs ;
Enfant né pour le jour, persécuté par l’ombre,
Il sait ce que la vie a de dégoûts sans nombre ;
Aussi, triste, mais calme et bravant tout écueil,
Il va seul à son but dans son tranquille orgueil.
Sur les sommets altiers, sur la montagne austère,
Il marche loin des pas des heureux de la terre ;
Leurs injustes dédains à son âme ont appris
A payer leurs dédains d’un trop juste mépris ;
Mais de ce cœur blessé l’indulgence hautaine
N’est jamais descendue au niveau de la haine ;
Vers des dieux plus cléments il aspira toujours,
Et toujours la nature eut ses hautes amours.
Les torrents écumeux, la foudre et ses ravages
Ont façonné son âme à leurs concerts sauvages ;