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III




O mère malheureuse ! ô mère délaissée !
Oui, garde sur tes yeux ta paupière baissée.
Je comprends ta tristesse et comprends tes douleurs,
Et mêle à tes regrets mes regrets et mes pleurs.
Plus de verte savane et d’ombreuses collines,
Où s’ouvrait la grenade aux perles purpurines ;
Plus de hauts cocotiers et de beaux orangers
S’affaissant sous le poids de leurs rameaux chargés ;
Et tu ne verses plus sur la mer langoureuse
Qui vient baiser tes pieds de sa vague amoureuse,
Les souffles parfumés et les fraîches senteurs
De tes arbres si beaux que les oiseaux pêcheurs,
Fuyant des flots émus les rumeurs éternelles,
Venaient s’y reposer pour embaumer leurs ailes !
Mais tout n’est pas perdu, mère, console-toi !
Il te reste des fils qui t’ont gardé leur foi,
Qui, n’empruntant jamais leur vol aux hirondelles,
Quand tout te trahirait te resteraient fidèles,
Et qui, pour te servir jusqu’à leur dernier jour,
A défaut du génie auront du moins l’amour !
Et près d’eux j’en sais un qui, sevré de tendresses,
Du sort n’a point connu les prodigues caresses ;
Mais qui, fils de tes flancs, fidèle humilié,
Se consolant en toi-de lutter oublié,