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Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/110

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geait un peu d’attention ou de raisonnement ; incapable de se modérer et de suivre un plan, si simple qu’il fût, le prisonnier était cet homme d’exécution aveugle et de volonté passive que Lacenaire désirait s’inféoder, et comme celui-ci voyait qu’avec une pareille organisation, Avril devait tôt ou tard aboutir au crime, il chercha à le dominer en l’éblouissant de sa supériorité intellectuelle.

Il le cajola d’abord, lui témoigna de la confiance, aiguisa sa haine contre une société qui l’avait déjà frappé, quoiqu’il fût bien jeune encore. Il raviva la plaie du réclusionnaire, en lui montrant l’impossibilité de remonter au bien et de redevenir un honnête homme ; il excita sa convoitise par des idées de lucre sans travail et sans peine ; enfin, il lui promit, grâce à son savoir-faire personnel, à son éducation et à son instruction, de le conduire à la fortune.

Avril était un gamin de Paris avec des passions trop développées et un entêtement parfois brutal ; mais il était dépourvu de finesse et de calcul. Lacenaire faisait des chansons, des vers et savait le latin ; il n’en fallait pas davantage pour que l’ouvrier le considérât comme un grand homme, et effectivement il s’engagea à le suivre partout.

Lacenaire sortit de prison et promit à Avril, qui devait être libre trois mois après, de lui donner de ses nouvelles. Peut-être n’aurait-il jamais revu cet acolyte de l’assassinat s’il avait réussi à faire lui seul quelque bon coup ; mais, après une morte-saison déplorable dans l’exploitation du vol, ne sachant sur qui compter, il lui