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Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/142

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ayant remarqué combien ceux qui formaient sa clientèle étaient nomades et peu soucieux du confortable, s’était hâtée de mettre à profit ce penchant au vagabondage. Elle avait attaché à son service cinq ou six blanchisseuses qui lavaient et repassaient pendant toute la nuit, et dans la matinée encore, le linge et les effets de ses hôtes des deux sexes, afin que le lendemain les couples qui étaient venus lui demander sa coûteuse hospitalité pussent s’en retourner proprement vêtus à leurs plaisirs ou à leurs affaires. Seulement plus on avait d’argent, moins on était satisfait de la promptitude de ses lessiveuses, car la limonadière était bien aise de retenir les joueurs heureux à déjeuner, attendu que ce repas amenait toujours chez elle un redoublement de consommation et souvent des stations de plusieurs jours. En compensation, les gens décavés étaient servis avec la plus grande diligence.

Tandis que les pantalons, les gilets et les robes reprenaient une fraîcheur nouvelle sous le fer des repasseuses, la bouillotte et les festins flambaient dans l’entresol. Les dames en jupons, de très belles filles dont la race est, dit-on, disparue en ce moment, jouaient et soupaient avec les cavaliers recouverts de longs peignoirs, et ceux d’entre les hommes qui se livraient au charme du carambolage étaient obligés de se mettre en plus petite tenue encore. Bref, quelqu’un qui n’aurait pas été au fait des us et coutumes de l’endroit, et qui y aurait jeté un coup d’œil furtif, aurait pris la maison de la mère Gérard pour un établissement de bains nocturnes.

Lacenaire était très recherché du beau sexe dans ce