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Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/144

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CHAPITRE XXII.

Le mystificateur. ― L’ancien et les gendarmes. ― Le roi philanthropique.


Lacenaire était aussi dans l’occasion un mystificateur assez plaisant. Ainsi, grâce à sa belle humeur, il s’était tellement fait bien venir d’un restaurateur d’une de nos barrières de la rive gauche, que celui-ci ne pouvait plus se passer de lui.

Quoique déjà âgé cependant, le négociant en ragoûts était un ami intrépide de la gaudriole et de la dive bouteille, et il négligeait tout, famille et établissement, pour chanter, rire et boire avec Lacenaire. Il est vrai de dire qu’il ignorait les antécédents de son favori. Une fois, après un dîner des plus joyeux, ils coururent, en compagnie d’autres amis et de beautés peu scrupuleuses, une bordée qui durait déjà depuis sept jours. Inquiet, à la fin, de cette conduite si désordonnée pour un père de famille, le repris de justice entreprit d’amener le vieillard à rentrer chez lui. Il avait la faculté de parcourir rapidement les feuilles publiques en les retournant de la tête en bas, et cette lecture à rebours était un des tours qui charmaient le plus le vieux viveur, complètement ignorant, du reste, des lettres de l’alphabet. Lacenaire se mit donc, pour tuer le temps, à faire cet exercice, mais, tout à coup, il s’arrête, retourne vivement le journal dans son vrai sens, et, d’une voix