Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/145

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altérée, lit un fait-Paris dans lequel était relatée une scène de vol et de meurtre, qui venait d’ensanglanter la veille le propre restaurant de son compagnon de plaisir.

En entendant ce récit, le vieillard anacréontique ne fit qu’un bond dans une voiture qui le suivait depuis une semaine, et un quart d’heure après, pâle et effaré, il entrait chez lui comme un insensé.

— Qu’est-il donc arrivé ici ? demande-t-il, dans une agitation extrême, à sa paisible famille. Qu’y a-t-il eu ?… qu’est-ce que c’est ?… Mais parlez donc !…

— Comment ! qu’est-ce qu’il y a eu ?… Mais rien, papa ; rien, mon ami !… répondent au déserteur ses enfants et sa femme encore plus surpris que lui et le prenant pour un fou.

En effet, il n’était rien arrivé à la barrière qu’un coquin de père de plus, et le prétendu sinistre était né d’une improvisation de Lacenaire.

Il avait l’habitude de plaindre le sort du peuple, quoiqu’il ne se fît pas faute, comme on l’a déjà vu, de voler les plus chétifs ménages ; et un jour qu’il était en partie de promenade avec quelques-uns de sa bande dans la forêt de Saint-Cloud, la pluie les obligea de se réfugier chez un garde. Pour passer le temps, ils se mirent à boire du vin. On en débitait dans la maison.

Deux gendarmes à cheval survinrent. L’un d’eux avait été chargé de remettre deux cents francs dans la commune voisine, et les portait enfermés dans un sac de toile grise. Lacenaire lia conversation avec eux, et il se trouva précisément qu’il avait eu pour chefs au régiment des hommes justement connus de ses interlocuteurs,