Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/195

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d’une constitution congéniale ou d’une organisation exceptionelle, elle est causée par la présence d’un ver intestinal de grosse taille, et du ver solitaire surtout.

« On guérit de la seconde de ces deux maladies, on ne peut que satisfaire à l’insatiabilité de la première. Nous renvoyons pour celle-ci aux bons principes d’économie publique d’après lesquels chacun doit manger ici-bas selon son appétit. On ne passe pas le niveau sur les estomacs et sur les besoins ; sur ce point, l’égalité est dans la compensation entre ceux qui prennent beaucoup et ceux qui prennent peu à la masse commune. Percy, dans ses Mémoires, cite la faim d’un certain Tartare qui dévorait plutôt qu’il ne mangeait, et qui, pour assouvir sa voracité effrayante, allait jusqu’à dévorer des cadavres. Il existe des cas de soif-calle comme des cas de faim-calle. Le comte de Rantzau, sous Louis XIV, était assoupi et incapable de rien faire à moins qu’il n’eût dix à douze bouteilles de vin de Champagne sur l’estomac ; quand il n’en avait que la moitié, il n’y paraissait pas plus que quand il tombe une goutte d’eau dans la mer. (Mémoire de d’Artagnan. Cologne, 1700, 1er vol., p. 66.)

« Lacenaire, que j’ai beaucoup connu à la Force, buvait, sans s’enivrer, jusqu’à douze bouteilles de vin par jour ; les prisonniers disaient qu’un grand verre de vin lui tombait dans l’estomac comme un plomb ; il était sobre pour la nourriture. C’est cette grande soif qui le jeta, après la faillite de son père, dans l’affreuse industrie qui l’a conduit à l’échafaud. Quel travail d’homme de lettres aurait pu se prêter au chiffre de ses besoins ? »

Quand Lacenaire dénonça Avril, il demanda dans l’in-