Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/196

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térêt même de la vérité, que son ancien ami ne fût pas amené à la Force, et on le laissa, en effet, à la Conciergerie. Un jour, étant à l’instruction avec des prévenus de la première de ces prisons, Avril fit circuler à leur oreille des bruits qui étaient bien loin d’être avantageux à Lacenaire, et dès ce jour une fermentation terrible commença de régner contre lui dans cette prison.

Plusieurs jours auparavant, des amis de François avaient décidé un nommé Bellard, — qui a été guillotiné peu de temps après, — à assassiner Lacenaire : « On m’en donna avis, dit-il à ce sujet sur un ton cornélien ; je répondis comme Guise : Il n’ôserait. Effectivement, il n’ôsa pas. Nous couchions, Bellard et moi, dans la même chambre : j’affectai de me tenir constamment près de lui et de le regarder fixement, il baissa les yeux et se tint tranquille. »

Mais une autre fois où le meurtrier emphatique était lui-même à l’instruction, François complota si bien dans les corridors, il persuada si fortement aux autres prévenus qu’il n’avait rien dit contre son complice, que c’était, au contraire, celui-ci qui le vendait, qu’il fut convenu entre les détenus qu’à l’arrivée du mouchard, tout le monde tomberait sur lui.

Effectivement, à son retour du cabinet du juge d’instruction, il vit toute la cour ameutée contre lui, à l’exception des amis de François, meneurs de la chose, qui se tenaient prudemment à l’écart. « Nul n’eût osé me frapper en face, j’ose le croire, écrit encore Lacenaire à cette occasion ; je faisais trop bonne contenance, quoique sans aucune arme offensive ni défensive ; mais il y a quelque