Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/200

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Mais écoutez donc !… dit Lacenaire avec complaisance. J’emportais les os, peu à peu, dans mon bachot, sous prétexte de pêche, et je les jetais en plein courant, par ci, par là… De cette façon… on cherchait le garçon disparu avec sa sacoche… On penchait tout naturellement à le croire un voleur… Les recherches étaient moins actives, parce qu’elles devaient être faites à l’époque du jour de l’an, et qu’à ce moment-là, juges d’instruction et agents de police ont leurs petites affaires de famille à soigner avant les affaires publiques. Quand je n’aurais plus eu le sou… environ l’espace de trois mois… j’aurais recommencé jusqu’à ce qu’enfin on me prit… car, déjà à cette époque, je savais bien que je ne pouvais pas lutter impunément contre la société… Je ne pouvais plus fuir ma destinée… ma destinée, c’était l’échafaud !

Plusieurs jours avant de comparaître en cour d’assises, Lacenaire vint dans l’une des chambres de l’infirmerie de la Force, et se plaça près du poêle, où se trouvaient réunies plusieurs personnes.

Au langage des assistants, à la tournure de leurs phrases et de leurs idées, et à ce je ne sais quoi, enfin, qui révèle, les gens occupés aux spéculations intellectuelles, le prisonnier vit aussitôt qu’il avait affaire à des hommes d’étude. Il ne se trompait pas. Ceux qui se trouvaient à la Force ce jour-là étaient des hommes de lettres, des journalistes, des avocats et un médecin.

Celui-ci adressa la parole au nouvel arrivant, et Lacenaire, heureux de montrer aux visiteurs qu’il avait étudié, répondit avec empressement à l’avance qui lui était