Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/27

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Le jeune homme retourna mélancoliquement chez son père, mit son retard sur le compte de la retraite qui précède la communion, et monta le lendemain à la sainte table. Il en était à peine descendu, qu’il s’entourait de mystère et écrivait à Talma la lettre la plus suppliante du monde pour le prier de l’attacher à sa personne et de l’emmener à Paris « jouer la tragédie. » — Comme tous les hommes de grande renommée, l’artiste était en butte à toutes sortes de missives et n’y répondait qu’à son corps défendant. Il est probable qu’après avoir souri de cette requête naïve il n’y attacha pas grande importance, car le solliciteur ne reçut jamais de réponse de l’acteur tragique.

Hélas ! à quoi tiennent les destinées ?… Si Talma avait fait droit à cette humble demande, Lacenaire serait, en ce moment peut-être, un confident consterné à la Comédie-Française ou un traître enroué au boulevard ; mais soit qu’il dût finir par s’aigrir le caractère à force d’écouter des récits et des songes classiques soit qu’il dût s’égosiller à envoyer au public les tirades de MM. Dennery et compagnie, mieux eût valu pour lui être réduit à ces extrémités que de briller d’un si sombre éclat sur la scène criminelle.

Un matin, son père et lui traversaient ensemble la place des Terreaux. C’était un jour d’exécution. Ils ignoraient tous deux cette circonstance, et ne s’en aperçurent qu’en face de la guillotine. M. Lacenaire, furieux contre son fils, qui venait de commettre une nouvelle escapade, s’arrêta, et lui montrant l’échafaud avec sa canne :