Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/28

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— Tiens, lui dit-il, regarde : si tu ne changes pas, c’est ainsi que tu finiras !…

Cet horoscope funeste impressionna à tel point le jeune homme, qu’il y pensait encore longtemps après.

« Dès ce moment, racontait-il plus tard, un lien invisible exista entre moi et l’affreuse machine. J’y pensais souvent sans pouvoir m’en rendre compte. Je finis par m’habituer tellement à cette idée, que je me figurais que je ne pouvais pas mourir autrement. Que de fois j’ai été guillotine en rêve. Aussi ce supplice n’aura-t-il point pour moi le charme de la nouveauté ! Il n’y a, à vrai dire, que depuis que je suis en prison que je ne fais plus de ces rêves-là. »

Le jour de cette exécution, M. Lacenaire conduisait son fils chez un ouvrier pour le mettre en apprentissage et lui faire connaître la fabrique, selon l’usage des Lyonnais, car les affaires du négociant se dérangeant de plus en plus, il avait renoncé à faire suivre toute autre carrière à son cadet que celle du commerce. Cette résolution dont on lui cachait la cause réelle affligeait fort le jeune homme, et il protesta de toutes ses forces contre son exécution.

Un mois après avoir commencé cet apprentissage, il quittait Lyon pour entrer au collège de Chambéry. Il y fut heureux pendant dix mois, mais à la fin de l’année scholaire, s’étant battu avec un prêtre qui remplissait les fonctions de maître d’études, il fut congédié. L’élève récalcitrant avait remporté deux prix. En retournant à Lyon, le collégien révolté s’arrêta au pont de