Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/299

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me servir d’excuse à vos yeux ; si mon ardeur m’entraînait dans des discussions auxquelles vos esprits ne sauraient s’associer !

Je serai court, messieurs, car telle est ma position, que je ne puis discuter les faits de cette cause, où pourtant il me serait si doux de pouvoir douter : je ne puis soulever une page de cette immense procédure, sans qu’un nouveau crime m’apparaisse hideux… et sans qu’il soit aussitôt revendiqué par Lacenaire. Je viens donc seulement vous dire ce que c’est que cet homme que vous ne connaissez point encore, puis vous soumettre quelques méditations qui me paraissent de nature à vous disposer à l’indulgence, et pour lesquelles j’ose réclamer toute votre attention…

Chez un homme inculte et grossier, les plus grands excès se conçoivent et s’expliquent facilement. Là, pour dominer, pour régner en maître, le vice, et avec lui le crime, auront peu de combats à soutenir, peu d’ennemis à vaincre, ils n’auront que des passions à flatter. Mais lorsqu’il s’agit, comme dans la cause, d’une belle nature, cultivée par l’éducation, faite pour des mœurs douces et paisibles, et dont le seul penchant est l’amour des lettres, oh ! alors, le moraliste recule effrayé, et recherche en tremblant les causes d’un si épouvantable phénomène.

Déjà, vous le savez sans doute, messieurs, François Lacenaire est né au sein d’une famille riche et respectée. — Son père était un honorable négociant de la ville de Lyon, qui lui-même avait édifié sa fortune dans le commerce des fers. Parvenu à un âge déjà mûr, il jouissait