Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/302

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Le séjour de Lyon lui était devenu odieux. Il quitta cette ville, et vint à Paris chercher une fortune qu’il se croyait certain d’y rencontrer… Comme toujours, on lui fit des promesses, mais comme trop souvent il arrive, on ne les tint pas… Ses ressources s’épuisaient… ; chaque jour il les voyait diminuer et frémissait en pensant au lendemain, lorsqu’un nouveau coup vint le frapper et lui enlever ses dernières espérances.

Parmi les jeunes gens qu’il avait rencontrés dans Paris, où les liaisons se forment et se détruisent avec tant de facilité, il en était un qui portait un nom célèbre et honoré de tous. Une de ces querelles puériles qui moissonnent cependant chaque année tant de têtes jeunes et précieuses les conduisit sur le terrain.

Lacenaire évita, dit-on, le combat tant qu’il put. Il semblait pressentir les conséquences funestes de cette malheureuse affaire ; enfin, forcé de défendre sa vie ou de passer pour un lâche, il essuya le feu de son adversaire et eut le triste avantage de le tuer sur la place.

Hélas ! que n’a-t-il péri dans cette déplorable rencontre.

Dès lors tout son avenir fut brisé. L’affaire eut de l’éclat, les feuilles publiques en retentirent, le nom d’un orateur à jamais célèbre s’y attacha. Ses plus généreux protecteurs le repoussèrent ; on l’eût blâmé de refuser le combat, on le punit de l’avoir accepté ; on n’osa plus prononcer le nom d’un duelliste, d’un meurtrier, on le plongea dans l’abîme.

Que faire ! que devenir !… seul… sans amis… sans famille !… Car il n’avait plus même le cœur d’une mère