Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/327

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« Les autres ont des fers qu’ils trouvent pleins de charmes
« Et mes fers sont rouillés, mais rouillés par les larmes,
« Et mon mari jaloux siége sur l’échafaud ;
« C’est le soutien des rois, il se nomme bourreau !

« Fuis, car de mon amour tu serais la victime,
« Car je veux être aimée, et m’aimer est un crime ;
« Et, des mille fureurs qui viennent m’enflammer,
« Ma plus grande fureur est de me faire aimer. »

Cette femme, pourtant, avait touché son âme,
Cette femme était belle, il aimait cette femme !

« — Quoi ! t’aimer est un crime ! Et moi, si je t’aimais,
« Si je t’aime, faut-il te laisser pour jamais ?
« Ton regard est si beau, que le feu qui l’anime
« Me force à demander : Femme, qu’est-ce qu’un crime ? »

« — Un crime, c’est un mot qui s’élève bien haut ;
« La moitié touche au sol, et l’autre à l’échafaud ;
« Mais il descend plus bas, car la tête qui tombe,
« Roule dans le linceul pour dormir dans la tombe. »

« — Ma vie est donc en jeu ? Soit ! mais j’ai ton amour.
« L’enfer est à Satan ; sois à moi sans retour ! »
Puis un baiser sanglant vint humecter sa bouche,
Comme un homme blessé qui s’éveille farouche,
Tout prêt à blasphémer, il se leva soudain,
Car il se réveillait au sein d’une audience,
Quand une voix criait, au milieu du silence :
Mort à celui qui fut seize fois assassin !


III


Quelle était cette femme ?… Était-ce la Vengeance,
Qui rit à sa victime, et pour qui l’existence
Bien souvent n’est qu’un dé qu’on retourne su hasard !
La Vengeance qui met moins de foi, d’espérance
La VDans son Dieu que dans son poignard !
C’était… on ne le sait… Mais c’était le génie
Qui conduisit cet homme à l’affreuse agonie
Qui cQui fait mourir avant le temps,