Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/56

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« Il redemande sa couronne, et quels sont ses droits ?

« C’est un chef armé qui fait briller son sabre pour exciter l’avidité de ses soldats ; c’est Attila, c’est Genghis-Khan, plus terrible, plus odieux, qui prépare tout pour régulariser le massacre et le pillage. Quel peuple serait plus digne que nous du mépris si nous lui tendions les bras ? Nous deviendrions la risée de l’Europe, après en avoir été la terreur ; nous reprendrions un maître que nous avons nous-mêmes couvert d’opprobre ; notre esclavage n’aurait plus d’excuse, notre abjection plus de bornes, et du sein de cette abjection profonde, qu’oserions-nous dire à ce roi (Louis XVIII) que nous eussions pu ne pas rappeler ?

« Non, Parisiens, telle ne sera pas notre conduite, telle ne sera pas du moins la mienne. J’ai vu que la liberté était possible sous la monarchie. J’ai vu le roi se rallier à la nation. Je n’irai pas, misérable transfuge, me traîner d’un pouvoir à l’autre, couvrir l’infamie par le sophisme, et balbutier des mots profanes pour racheter une vie honteuse ! »

Après une page d’une éloquence aussi enflammée et aussi fière, le dernier qui dût se vendre au despotisme impérial, était sans contredit celui qui l’avait écrite, à moins de livrer la parole humaine à la dérision la plus universelle et la plus légitime. Cependant le tribun n’ayant pas fui au 20 mars ; l’Empereur, revenu aux Tuileries, l’y fit appeler, et, à l’issue d’une entrevue où fut jouée entre les deux personnages la scène d’Auguste pardonnant à Cinna, Benjamin Constant, supplié d’ac-