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L’ANGE DE LA CAVERNE

à leur porte pour les éveiller ; sans cela, Yves et Andréa auraient dormi toute la grâce matinée. Bien vite, ils furent debout, cependant.

Yves, en frais de faire ses ablutions du matin, leva les yeux sur un miroir, tout à coup et se vit tel qu’il était alors… tel que l’avait fait ces dix ans à Cayennel… Yves Courcel, autrefois, avait les cheveux blonds et une fine moustache dorée estompait sa lèvre supérieure… Yves Mirville avait les cheveux blancs comme neige et une longue barbe, blanche aussi, encadrait son visage, vieilli bien avant l’âge ; il n’avait pas encore quarante-cinq ans et on lui en aurait donné soixante-quinze, sans hésiter.

« Andréa, » dit Yves, « personne au monde ne pourrait me, reconnaître maintenant, tellement je suis vieilli et changé… Vous aussi, Andréa, vous avez vieilli et changé depuis que nous avons quitté Cayenne… »

— « Oui, » répondit Andréa. « Nous avons passé par tant d’horreurs ! »

— « Nous irons chez un barbier, aujourd’hui, Andréa ; nous avons grand besoin d’un shampooing et d’une coupe de cheveux… Moi, je cultiverai cette barbe blanche, qui est un parfait déguisement… Et vous, Andréa ? »

— « Moi, je porterai des favoris et une moustache ; j’étais imberbe autrefois. »

La cloche du déjeuner appela les deux hommes et à sept heures ils reprirent leur métier de passeur.


CHAPITRE XVI

LE DÉPART


Yves et Andrea furent trois semaines chez le vieux passeur. Ils se rendaient utiles aussi bien au magasin que sur le rio, et cette bonne Mme Duponth avait le cœur gros quand elle pensait qu’ils allaient partir bientôt. En effet, Yves et Andréa étaient à l’avant-veille de leur départ. Le passeur avait repris son métier, la veille. Après le souper, on s’assembla dans la salle et l’on causa.