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Page:Lacerte - L'homme de la maison grise, 1933.djvu/123

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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

Mais aussitôt, la Dame Noire avait disparu, telle une ombre ; elle s’était, pour ainsi dire, fondu dans la nuit.

Sur ses jambes encore faibles, le mineur s’était lancé à la poursuite de celle qui venait de lui sauver la vie ; la Dame Noire était restée introuvable, introuvée… tout comme si la terre s’était entr’ouverte pour l’engloutir.

On racontait aussi qu’un jour que plusieurs mineurs étaient à travailler ensemble, ils avaient entendu, non loin d’eux, un effroyable bruit, comme celui que produirait le tonnerre, lointain d’abord, mais se rapprochant rapidement. Pris de panique, ils avaient jeté sur le sol pics et pioches, se préparant à fuir… Fuir ?… Mais où ?… De quel endroit venait le danger ?… Le repercutement des sons est si trompeur dans la houillère !… Une catastrophe se préparait, c’était évident… Venait-elle de droite, de gauche, d’en avant de soi, de derrière soi ?…

Soudain, la Dame Noire leur apparut.

Effondrement ! Effondrement ! s’était-elle écriée.

Sa main droite s’était levée et une lumière blanche, surnaturelle, en avait jailli, ses rayons envahissant un couloir, à gauche.

— Par-là ! avait-elle dit, puis elle avait disparu.

Ces mineurs, sauvés par l’intervention de la Dame Noire, n’avaient pas manqué de raconter la chose. Or, ils étaient huit pour attester ce fait.

Après cela, personne ne douta plus que la houillère de W… était hantée par la présence d’un être étrange… surnaturel. Et quoique la Dame Noire ne fût nullement malfaisante — bien au contraire — plus d’un mineur se signait dans l’ombre, en pensant à elle.

Les mineurs sont superstitieux, c’est entendu : d’ailleurs, tout ce qui est mystérieux cause un sentiment de malaise, même au plus brave, au plus hardi.

Yvon Ducastel entra dans le salon, au moment où Mme Francœur achevait son récit.

— Oh ! M. Ducastel ! s’écria Mme Foulon, en apercevant le jeune homme, nous venons d’entendre parler de la Dame Noire…

— Tu ne nous avais pas dit que la houillère était hantée, dit Lionel Jacques en riant.

— Je l’avais oublié, répondit Yvon, riant, lui aussi. Et puis, ajouta-t-il, la Dame Noire, il me faudrait la voir pour y croire.

— Vous ne l’avez donc jamais vue ?

— Jamais, Mme Foulon.

— Plusieurs prétendent l’avoir vue pourtant…

— Oui, je sais… Mais je ne suis pas doué d’une imagination très exaltée, moi… conséquemment, je ne crois pas que la Dame Noire m’apparaisse jamais.

— Vous croyez donc que ceux qui disent l’avoir vue…

— S’attendaient à la voir, acheva Yvon.

— Vous n’y croyez pas à la Dame Noire alors, M. Ducastel ? demanda sérieusement Luella.

— Certes, non, Mlle d’Azur ! Contes merveilleux que tout cela.

Elle eut un soupir de réel soulagement.

— Je me tiendrai tout près de vous, pendant notre excursion, dans tous les cas, annonça-t-elle en souriant. Si la Dame Noire nous apparait…

— Nous lui ferons bon accueil, puisque d’après la légende, elle est le bon génie de la mine, fit Yvon en riant.

— Quand partons-nous ? demanda Mme Foulon, qui n’eut pas manqué l’excursion projetée pour tous les biens de la terre, ou plutôt, pour tous les spectres, noirs ou blancs, de la houillère.

— Immédiatement, si vous le désirez, répondit notre jeune ami ; je suis venu vous chercher, Mesdames et Messieurs.

— Partons, alors ! En route pour la Ville Noire ! s’écrièrent-ils tous. Bientôt, ils quittaient la sûreté du toit des Francœur, pour se risquer au centre de la terre… qu’ils désiraient explorer depuis si longtemps.


Chapitre XII

DEUX MILLE PIEDS SOUS TERRE


Mme Foulon, Luella d’Azur, en jupes courtes, coiffées de casquet-