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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

Oui, c’était un horrible lieu que la houillère… peut-être quelques-uns regrettèrent-ils de s’y être risqués.

— Ainsi, ces grosses pièces de bois… commença M. Foulon.

— Supportent les voûtes. Je le répète…

— Mais ! À quelle profondeur sommes-nous donc, en ce moment, M. Ducastel ? questionna Luella.

— À près de deux mille pieds sous terre.

— Deux mille pieds ? Ciel ! s’écrièrent, ensemble, la jeune fille et Mme Foulon.

Il sembla à tous, tout à coup, qu’ils portaient sur leurs épaules tout le poids de ces tonnes et de ces tonnes de terre et de charbon. Luella saisit le bras d’Yvon et murmura :

— J’ai peur !… Et j’étouffe !

— N’ayez crainte, Mlle d’Azur, dit Yvon en souriant.

— Mais ! J’étouffe ! répéta-t-elle.

— Le fait est que tous, tant que nous sommes, nous nous sentons oppressés et à moitié étouffés, je crois, fit Lionel Jacques. Moi, depuis que nous avons commencé à descendre ici, je me sens fort mal à l’aise ; j’éprouve des suffocations, des oppressions, des bourdonnements dans les oreilles, des piquements dans le bout des doigts et d’affreux battements de cœur.

— Moi aussi ! s’exclamèrent-ils tous, chacun leur tour.

— Oh ! Ce n’est rien cela ! répondit Yvon en souriant : On finit par s’habituer à ces petits inconvénients.

— Tout de même, je ne vous quitte pas d’une semelle, M. l’Inspecteur ! s’écria Luella.

— Ne nous éloignons pas les uns des autres, recommanda Yvon. Ne l’oubliez pas, rien n’est plus facile que de s’égarer dans la mine ; car, voyez !

Il s’avança jusqu’à l’entrée du couloir et, de nouveau, il éleva sa lanterne.

— Maître tout-puissant ! s’exclama Mme Foulon. De vrais catacombes !

On n’apercevait, en effet, qu’un enchevêtrement de couloirs et de boyaux ténébreux, se croisant en tous sens, puis, accrochées, ici et là, étaient de grandes pancartes, portant, en grosses lettres noires, le mot « Danger » ; il devait y avoir de ces avertissements dispersés un peu partout dans la houillère… Cela donnait à penser vraiment !

— Ô ciel ! On s’égarerait vite, en ces noirs dédales ! s’écria Mme Foulon en se cramponnant plus fort au bras de son mari.

— De véritables catacombes, en effet, murmura M. Foulon.

L’inspecteur ayant terminé son inspection « dans le couloir No 1 », comme disait, en riant, Lionel Jacques, procéda vers d’autres couloirs, ses compagnons marchant sur ses talons.

Dans la houillère, on ne circulait pas comme dans les pièces de nos maisons, on le pense bien. En certains endroits, la voûte était tellement basse qu’il fallait ramper pour y passer.

Pendant une demi-heure à peu près, on se promena ainsi, de couloir en couloir, de boyau en boyau, puis, soudain, Lionel Jacques s’arrêta et dit :

— Qu’est-ce qu’on entend !… N’est-ce pas le hennissement d’un cheval ?

— Oui, M. Jacques, c’est bien cela, répondit Yvon.

— Comment ! Il y a des chevaux ici ? s’écria Luella.

— Certainement, Mlle d’Azur ! Il y en a une trentaine, dans la houillère.

— Mais, à quoi servent-ils ? demanda Mme Foulon.

— Ce sont eux, ces pauvres chevaux, qui transportent les chars chargés de charbon, de l’endroit de leur chargement jusqu’à la voie ferrée.

— Pauvres bêtes ! s’exclama la femme du marchand.

— Elles sont à plaindre aussi, Mme Foulon ! fit Yvon. Le travail qu’ils font est bien dur, je vous en assure.

On venait de pénétrer dans une sorte de pièce carrée, servant de stalle au cheval, qui n’avait cessé de hennir et de piocher le sol, depuis qu’il avait entendu la voix et les pas de l’inspecteur. C’est que celui-ci n’oubliait jamais de bourrer ses poches de pommes et de morceaux de sucre pour les chevaux de la mine. Aussi, avec quelle impa-