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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

nimation à W…, dans le moment ! Le cirque, voyez-vous…

— Ah ! Oui, le cirque… répondit-elle, souriant, elle aussi. J’y vais avec père, ajouta-t-elle.

— Alors, ne manquez pas de vous vêtir chaudement, conseilla le jeune homme. Il souffle un vent froid aujourd’hui : on dirait une journée d’automne.

— Soyez assuré que je prendrai bien soin de ma fille, M. Ducastel, fit Richard d’Azur, de son ton le plus désagréable. En votre absence je…

— J’ai bien le droit de recommander à ma fiancée de prendre des précautions, ce me semble ! s’écria Yvon, très mécontent.

— Oh ! Sans doute… Mais votre souci de sa santé et de son confort ne va pas jusqu’à sacrifier un après-midi de travail pour l’accompagner, hein ?

M. d’Azur, dit notre jeune ami, fort en colère cette fois, je vous serais bien obligé si vous vouliez perdre l’habitude d’intervenir dans nos affaires, à Luella et à moi, ainsi. Nous nous entendrions très bien ensemble, ma fiancée et moi, si vous vouliez vous abstenir de vous mêler de ce qui ne vous concerne pas. Ce n’est pas la première fois que je vous parle ainsi… j’espère que ce sera la dernière… Eh bien, Mme Francœur, ajouta-t-il, en s’adressant à la maîtresse de pension, qui venait d’entrer dans la salle à manger, munie d’un plateau, que nous apportez-vous de bon ?

Mme Francœur le renseigna en riant.

Mais Étienne Francœur ne revenait pas de son étonnement. Témoin de ce qui venait de se passer, il n’en pouvait croire ses oreilles ! M. d’Azur, parlant à M. l’Inspecteur sur ce ton !… Vraiment, il était bien tenté d’intervenir à son tour et de mettre M. Ducastel au courant de ce qui s’était passé, le soir du « désastre » ; de la déception qu’on avait pratiquée à son égard… Les yeux du maître de la maison se portèrent sur sa femme… mais celle-ci lui fit signe de se taire… et il se tut.

Lorsque Richard d’Azur et Luella eurent mis le pied dehors, ils s’aperçurent qu’Yvon ne les avait pas trompés ; il faisait un vent froid qui transperçait jusqu’aux os.

Richard d’Azur jeta sur sa fille un coup d’œil inquiet.

— Il fait bien froid, Luella, dit-il et je crains que tu prennes le rhume.

— Je suis vêtue chaudement, père, répondit-elle.

— Tout de même… Retournons à la maison. Tu auras l’occasion plus tard, de voir d’autres cirques.

— Non ! Non ! Je tiens à voir le cirque ! Je n’en ai jamais vu de ma vie ; je veux assister à celui-ci !

— Comme tu voudras, fit, en soupirant, Richard d’Azur. C’est que Luella avait été si malade ! Ses forces ne devaient pas être encore tout à fait revenues.

Tout W… et ses environs semblaient s’être donné rendez-vous sur le terrain du cirque. Les cris usuels des vendeurs de limonade, de crème à la glace, de bâtons de sucre d’orge, de ballons, etc., etc., se faisaient entendre, en même temps que les grondements des animaux de la ménagerie ; cette dernière comportant lions, tigres, panthères, hippopotames. jaguars, chameaux, girafes, éléphants, ceux-ci très nombreux, etc., etc.

Dans la grand’tente attenant à la ménagerie, les d’Azur furent désagréablement étonnés de constater que presque tous les sièges réservés, étaient occupés ; ils durent se contenter de deux sièges, près de l’entrée de la tente plutôt qu’au centre, comme ils l’eussent désiré ; mais, à la guerre comme à la guerre ! Luella maugréa bien quelque peu… Moins d’un quart d’heure devait se passer pourtant avant qu’elle eût raison de bénir le hasard qui les avait fait placer, elle et son père, non loin de la sortie…

En attendant que la représentation commençât et pour faire oublier à l’auditoire les ennuis de l’attente, il y eut quelques petites démonstrations par divers bouffons. Il y eut, là aussi, des vendeurs de liqueurs, de crème à la glace, etc., puis, la distribution des programmes.

Les programmes étaient distribués par un individu qui, tout d’abord, n’attira de Luella qu’une attention indifférente et distraite. Elle le