à dire… Si je dévoile certains secrets…
Elle en était là dans ses réflexions, lorsqu’une main se posa sur son bras tandis qu’une voix l’interpellait, en anglais. C’était une voix plutôt aigrelette, qui n’avait rien de quoi effrayer pourtant ; cependant, la négresse tressaillit en l’entendant.
— C’est Salomé ! Mais, oui ! C’est cette bonne Salomé !
Avant même de tourner la tête, la négresse savait qui venait de lui parler. Elle ne put s’empêcher de frissonner, mais c’est d’une voix assez calme qu’elle dit :
— M. Jacobin !
— Oui, c’est Jacobin, Salomé… Mais qui eut cru vous rencontrer ici si loin de la Route Noire… si loin de… Chicago !
— Et vous, M. Jacobin, qui eut cru vous rencontrer à W… Vous n’êtes donc pas…
Elle allait dire « Vous n’êtes donc pas parti en même temps que le cirque ? » Elle se tut à temps ; non, il ne fallait pas que Jacobin apprit qu’il avait été vu et reconnu… Mlle Luella… Salomé se dit qu’elle allait arranger les choses pour que sa jeune maîtresse ne fût pas inquiétée.
— Comment se porte M. Hynes ?… Et Alba ?…
La négresse s’était attendue à cette question, on le pense bien, et elle était préparée à y répondre… à sa manière.
— M. Hynes ?… Mlle Alba ?…. Je ne saurais vous renseigner sur leur compte M. Jacobin.
— Hein ! cria-t-il. Vous voulez dire qu’ils ne sont pas ici ?
— Ils ne sont certainement pas ici, M. Jacobin.
— Où sont-ils donc alors ?
— Cela, je ne pourrais vous le dire. J’ai quitté leur service depuis deux mois, voyez-vous, et…
— Quitté leur service ? cria presque Jacobin. Salomé, reprit-il avec un sourire moqueur, je ne crois pas un seul mot de ce que vous venez de me dire. Vous ! Quitter le service des Hynes… d’Alba ? Allons donc !
— Comme vous voudrez, M. Jacobin, répondit la négresse. Je les avais accompagnés à Chicago bien malgré M. Hynes…
— Ah ! Oui… Ce présumé voyage à Chicago… dont ils ne devaient pas revenir… Vraiment, vous êtes partis de la Route Noire… tous ensemble, comme des fusils sans plaque.
— Que voulez-vous. M. Jacobin ; ce n’est pas moi qui mène M. Hynes… J’étais sous l’impression que nous ne partions que pour un voyage de quelques jours, moi, mentit Salomé.
— Oh ! Sans doute ! Sans doute ! fit Jacobin en riant. Mais tout cela ne m’explique pas pourquoi vous avez quitté le service d’Alba.
— Je le répète, je suis partie presque malgré M. Hynes ; c’est Mlle Alba qui avait insisté pour que je les accompagne. Je n’ai donc pas tardé à m’en repentir amèrement ; traitée d’une si dure façon par M. Hynes, j’ai dû quitter leur service enfin.
— Et que faites-vous ici, Salomé ?
Elle hésita un instant avant de répondre… Qu’allait-elle dire ?… Jacobin pouvait facilement prendre des renseignements… Il lui faudrait arranger les choses, inventer quelqu’histoire ayant au moins l’apparence de la vérité.
— À Chicago dit-elle, j’ai rencontré des gens qui cherchaient une domestique… Un M. d’Azur et sa fille Luella… Je suis à leur service, depuis.
— Tiens ! Tiens ! fit, seulement. Jacobin.
— Serez-vous longtemps à W…, M. Jacobin ?
Il sourit, à la dérobé. Cette pauvre Salomé ! Comme il lui tardait de le voir partir, quitter W… pour toujours !
— Je pars demain matin, répondit-il à la grande joie et au grand soulagement de la négresse. Je suis engagé dans un cirque, voyez-vous, et…
— Pas celui qui était ici l’autre jour ? s’exclama Salomé, feignant un extrême étonnement.
— Précisément… La veille du départ de la troupe, j’ai été malade et bien malade, d’une attaque de lumbago : je suis donc resté ici, étant trop souffrant pour voyager. Mais demain, je vais rejoindre le cirque, à Halifax, je partirai par le premier train, celui de huit heures.
— Adieu donc, M. Jacobin ? fit la