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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

ne et à sa faible lueur il aperçut… Annette !

Oui, Annette… Elle était arrêtée là sur l’extrême bord d’une sorte de corniche de trois pieds de large à peu près ; une corniche suspendus au-dessus d’un gouffre !…

Yvon vit immédiatement ce qui l’avait retenue ; sa robe… le bord de sa robe, s’était accrochée à une longue vis, qui ne tenait plus que par miracle à la voie ferrée…

Il vit autre chose aussi ; celle qu’il aimait avait presque roulé dans le gouffre ; sa tête et ses deux bras pendaient dans le vide !…

Annette était sans connaissance… heureusement peut-être… N’était-elle pas morte plutôt ?… Avec d’infinies précautions, afin de ne pas déplacer, même d’un pouce, ce corps inerte qui menaçait, à chaque instant, de rouler dans l’abîme, il se pencha et écouta… Elle respirait !…

Mais, un bâillon avait été pressé dans sa bouche ; ce bâillon devait gêner excessivement sa respiration.

Yvon saisit la jeune fille par la taille et l’attira à lui. Il eut vite fait d’enlever le bâillon et de le jeter au loin… Malheureusement, il ne songea pas à le mettre dans la poche de son habit plutôt ; cette serviette qui avait servi de bâillon, devait porter quelque chiffre ou marque qui aurait aidé à trouver celui ou celle qui avait perpétré le crime.

Maintenant, qu’allait-il faire ?… Comment retourner là-haut, en tenant dans ses bras Annette évanouie ?… Ce serait impossible, impossible !

Cependant, il ne put s’attarder longtemps à cette question ; un bruit bien connu venait d’arriver à ses oreilles : celui d’un char, remontant à la surface du sol !

Il lui fallait se hâter, gagner la corniche, s’il ne voulait pas qu’ils fussent écrasés tous deux sous le char !

Vite ! Vite !

Déjà. Yvon apercevait, quoique de très loin encore, la lueur des lanternes que portaient les mineurs qui montaient… Le char venait rapidement ; bientôt, il serait sur eux !

Enlevant Annette dans ses bras, il mit le pied sur l’étroite corniche. Quoique la pauvre enfant ne pesât guère, ce fut fort difficile pour le jeune homme de la porter, épuisé comme il l’était ; mais il y parvint.

Les voilà donc sur la corniche, qui paraissait étroite, oh ! si étroite ! Yvon essayait à ne pas penser au gouffre affreux qui était à sa droite et au-dessus duquel ils étaient suspendus, lui et sa bien-aimée…

Le char approchait vite, et quel bruit infernal il faisait ! Yvon, énervé au point d’en crier, se dit qu’il ne pouvait pas tolérer ce bruit…. Il se demanda ce qu’ils allaient devenir, lui et Annette… Quand le char passerait tout près d’eux… vraiment ce serait intolérable !

Ah !… Il venait d’avoir une idée, qu’il croyait bonne… Annette… Pourquoi ne la jetterait-il pas sur le char, lorsqu’il passerait ?… Oui, ce serait le seul moyen de la sauver…

Quant à lui-même, eh ! bien, il attendrait le passage d’un autre char et il sauterait dessus… C’était une inspiration du ciel, dans tous les cas, ce qu’il se proposait de faire pour sauver sa compagne !

Le char n’était plus qu’à une centaine de pieds d’eux ; il ne contenait que quatre mineurs… Machinalement, Yvon les avait comptés, ou plutôt compté les lanternes.

Au moyen de sa lanterne, Yvon se mit à faire des signaux ; de cette manière, les mineurs ne seraient pas trop surpris de ce qui allait arriver. Bien sûr, ils ne pourraient pas arrêter leur char, pour prendre des passagers à bord… Ces chars, une fois partis, font leur chemin.

Le char était arrivé… Il allait passer… Yvon fit une courte prière, demandant au ciel la force d’accomplir sa tâche. Il lui fallait avoir la main sûre, le coup d’œil juste, pour ne pas jeter son fardeau de manière à ce que sa tête arrivât sur le mur de la mine tout près duquel passerait le char.

La corniche sur laquelle étaient les deux malheureux semblait vibrer sous les pieds du jeune homme. Mais, vite ! Pas un moment à perdre ! Yvon s’avança d’un pas, et au moment précis où le char passait