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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

près de lui, il jeta dessus son fardeau.

Des cris retentirent, couvrant le bruit que faisait le char ; malgré qu’ils se fussent attendus à quelque chose d’extraordinaire, ils avaient dû être fort surpris… et peut-être effrayés les superstitieux mineurs.

Notre héros soupira, soulagé ; Annette était sauvée !

Par l’imagination, il voyait ce qui se passait là-haut… Il avait dit aux époux Francœur de l’attendre dans son bureau, mais il savait bien qu’ils avaient dû revenir à l’entrée de la mine, après avoir enfermé Guido, pour attendre l’arrivée du char… C’est Étienne Francœur qui recevrait Annette dans ses bras, puis Mme Francœur prodiguerait ses soins à la jeune fille.

Ces braves gens, les Francœur ! Comme ils allaient être inquiets à son sujet à lui, Yvon, et avec quelle anxiété ils allaient attendre l’arrivée du prochain char !…

Yvon se demanda ce qu’il allait faire maintenant… Resterait-il sur cette corniche à la sûreté si problématique, puisqu’elle semblait osciller, au passage d’un char ?…

Ce qu’il lui faudrait faire, ce serait de remonter, ou de descendre, afin de trouver un endroit moins… moins sinistre, pour y attendre le prochain char, lequel, d’après ses calculs, devait monter, dans dix minutes, un quart d’heure au plus.

Ce char… lorsqu’il apparaîtrait, Yvon se dit qu’il procéderait ainsi qu’il l’avait fait, tout à l’heure ; il lui ferait des signaux, avec sa lanterne, puis il sauterait à bord quand il passerait près de lui. Ce ne serait pas facile ; mais ça pourrait se faire. D’ailleurs, c’était là sa seule chance de salut.

Dix minutes… Un quart d’heure… C’est court, à la surface du sol… sous terre, c’est une éternité !

Mais, allait-il monter, ou descendre plus bas, dans l’espoir de trouver un terrain plus solide ?… Remonter ?… Inutile d’y songer seulement ; il savait qu’il ne le pourrait pas… Descendre ?… Oui, ce serait bien plus facile… à reculons… sur ses genoux… Cependant que trouverait-il, en bas ? Était-il certain d’y trouver même une corniche, pour y attendre le char ?… Et s’il n’y en avait pas ?… Si la voie ferrée serpentait entre deux murs abruptes, ou deux abîmes, que ferait-il ?… Que pourrait-il faire ?… Rien… Il se verrait condamné à être écrasé sous le prochain char…

Non. Le mieux, c’était de rester là où il était… La corniche vibrante valait mieux, infiniment mieux, que le centre de la voie ferrée, dans tous les cas…

Occupé à faire ces réflexions, Yvon ne s’aperçut pas d’une chose ; c’était que la lumière de sa lanterne allait s’affaiblissant, d’instant en instant… lorsqu’il en eut connaissance, un cri de véritable désespoir s’échappa de sa poitrine.

— Ciel ! Ô ciel ! se dit-il. Dans ma hâte d’aller au secours d’Annette, j’ai saisi une lanterne au hasard… et celle-ci va manquer d’huile… La lumière s’affaiblit à vue d’œil !… Vais-je être obligé de subir cette horreur d’être retenu ici, dans l’obscurité complète ?… Ô Dieu tout-puissant, ayez pitié de moi !

La lanterne n’éclairait presque plus… Yvon la soupesa… et constata qu’il n’y avait plus d’huile… Elle allait s’étendre… et lui… qu’allait-il devenir ?…

— Ô mon Dieu ! s’écria-t-il. Éloignez de moi cette horreur ! Ne permettez pas que j’aie à endurer pareil supplice’… L’obscurité… l’horrible obscurité de la houillère… Ah ! J’aimerais cent fois mieux la mort !

Mais doucement, la lumière déjà moribonde de sa lanterne s’éteignit !


Chapitre XV

LES HORREURS DE L’OBSCURITÉ


Qui n’a jamais exploré le centre de la terre ; qui ne s’est jamais aventuré à des centaines de pieds sous la croûte terrestre, ne peut se figurer toute l’horreur de la véritable obscurité. Quand on serait dans une pièce bien close, dont les fenêtres auraient été recouvertes d’épais matelas pour exclure toute lumière, cela n’en donnerait pas encore une idée exacte. Dans cette chambre close, dont on a exclu la lumière avec soin, a déjà pénétré le