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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

rent, ensemble, les deux hommes.

Moins d’une heure plus tard, tous dormaient profondément au Gite-Riant.


Chapitre V

LE RETOUR À LA MAISON GRISE

Lorsqu’Annette descendit déjeuner, le lendemain matin, elle était si pâle que tous le remarquèrent. Ni Lionel Jacques, ni Yvon ne dirent mot cependant ; ils comprenaient si bien combien la jeune fille redoutait son retour à la Maison Grise et le courroux de son grand-père !

— Sans doute, se disait la pauvre enfant, M. Jacques et M. Yvon m’accompagneront et ils arrangeront les choses de leur mieux avec grand-père… mais, quand ils seront partis que se passera-t-il. Dieu sait si grand-père m’effraie lorsqu’il est mécontent !… Ah ! Si je pouvais continuer à demeurer au Gite-Riant plutôt !… M. Jacques est si bon !… Hélas ! ça ne se peut pas ; il faut que je retourne à la Maison Grise et que je subisse les reproches…. peut-être les coups, qui ne me seront pas épargnés.

Vers les deux heures de l’après-midi, Lionel Jacques eut la visite du curé. L’ayant conduit dans le salon, il lui raconta tout ce qui s’était passé… Il lui parla d’Annette… de la déception pratiquée par celle-ci envers le public en se faisant passer pour aveugle, pour obéir aux ordres de son grand-père, homme lâche, brutal et sans cœur.

— Je savais qu’elle n’était pas aveugle, vous savez, mon ami, avoua le curé ; c’est pourquoi j’ai agi d’une si singulière façon, en plus d’une occasion, à l’égard de cette jeune fille.

— Eh ! bien, quand on connait M. Villemont, M. le Curé, riposta Lionel Jacques, on comprend facilement qu’une frêle et délicate jeune fille puisse le craindre… trop pour lui désobéir. Je crois qu’il pourrait être terrible l’homme de la Maison Grise.

— Je comprends… parfaitement, M. Jacques, répondit le prêtre. Yvon ajouta-t-il, en s’adressant au jeune homme, qui assistait à cette entrevue, j’espère que vous ne m’en voudrez plus ?… Je ne pouvais pas agir autrement que je l’ai fait, voyez-vous ; ma conscience de prêtre…

— Je sais, M. le Curé, répondit Yvon, et je vous demande pardon de vous avoir parlé si… si désagréablement, en plus d’une occasion.

— Il y a longtemps que c’est pardonné mon enfant, dit le prêtre en souriant. Et maintenant, continua-t-il, si vous le désirez, je vous accompagnerai à la Maison Grise ?

— Vraiment ? fit Lionel Jacques. Ah ! J’en serais bien content, car cette pauvre Annette appréhende beaucoup la réception que lui fera son grand-père.

— Comment allez-vous expliquer le… recouvrement de vue de cette jeune fille ? demanda le curé, au public, en général, je veux dire.

— Je ne sais trop… Je dirai qu’elle a recouvert la vue, en même temps que la santé. Tout le monde sait qu’elle a été malade, ici et…

— Et le croira qui voudra, n’est-ce pas ? fit le prêtre en souriant.

— Vous l’avez dit, M. le Curé ! répondit Yvon en riant.

Une heure plus tard, Étienne Francœur arriva au Gite-Riant ; il venait chercher sa femme. On le fit entrer et on l’interrogea avidement.

— Ils sont partis… les d’Azur… M. d’Azur eût voulu prendre le train de nuit, mais sa fille craignait qu’ils ne pussent se procurer des lits. Ils ont pris le convoi de huit heures ce matin.

— Plusieurs ont dû les voir partir alors ?

— Oui, M. Jacques. Chose assez rare, il y avait beaucoup de monde à la gare, ce matin… Les gens chuchotaient entr’eux, en désignant les d’Azur. Je n’en doute pas, on aurait bien aimé à m’interroger, mais on n’osa pas.

— Et le curé de W… ? L’avez-vous averti ?

— Dès sept heures, ce matin, j’étais à la sacristie, pour lui annoncer qu’il n’y aurait pas de mariage aujourd’hui.

— Voilà donc cette affaire réglée, finie ! s’écria Yvon, avec un soupir de soulagement. Personne n’osera m’interroger, moi, et c’est le cas de