Page:Lacerte - L'homme de la maison grise, 1933.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
L’HOMME DE LA MAISON GRISE

redire : tout est bien qui finit bien !

À cinq heures de l’après-midi, Annette, accompagnée du curé de la Ville Blanche, de Lionel Jacques et d’Yvon Ducastel, se rendait, en voiture, à la Maison Grise.

Annette essayait de retenir ses larmes. Yvon, assis à côté d’elle, la consolait de son mieux. Mais, plus on approchait de la Maison Grise, plus elle avait peur la pauvre enfant.

— Pourquoi tremblez-vous, ainsi, ma petite amie ? demanda Yvon.

— Mon grand-père… balbutia la jeune fille.

— Mais ! Il comprendra, bien sûr ! Vous avez été victime d’un accident… on vous a transporté chez M. Jacques… Quoi de plus ordinaire ?

— Sans doute… Cependant, quand il apprendra que j’ai cessé de jouer le rôle méprisable qu’il m’avait imposé (celui d’aveugle, je veux dire) il… Ah ! Je crois qu’il me tuera !

— Allons ! Allons, Annette ! fit Yvon en frissonnant. D’ailleurs, vous vous rappelez de ce que vous a dit le Curé, n’est-ce pas ?… Si votre grand-père a l’air trop… farceur, nous vous ramènerons à la Ville Blanche et Mme Foulon sera heureuse de vous prendre en pension chez elle ; il offre même le bon prêtre de vous donner la position d’organiste dans son église, ce qui vous rendra indépendante et vous permettra de payer votre pension… Ensuite, quand M. Villemont comprendra que vous n’êtes plus abandonnée ; que vous avez des amis capables de vous protéger, il changera son fusil d’épaule, j’en suis sûr. Votre grand-père, chère enfant, me fait l’effet de ces lâches individus, bon tout au plus à effrayer les femmes et les enfants. Ça doit jouer un piètre rôle, en présence d’hommes résolus, ce type !

— Vous avez l’air de… d’admirer beaucoup mon grand-père, M. Yvon ! s’écria Annette, en riant de grand cœur.

— C’est cela ! Riez, ma petite amie ! dit le jeune homme en souriant. Ça fait du bien au cœur de vous entendre… Ah ! Tiens ! Nous voilà arrivés déjà !

En effet, la voiture venait, de s’arrêter devant la porte de cuisine de la Maison Grise, et bientôt, tous mettaient pied à terre.

Lionel Jacques frappa à la porte… Il ne reçut pas de réponse.

— Appelez donc votre grand-père, Annette ! fit-il.

— Grand-père ! appela docilement la jeune fille.

Des pas se dirigèrent vers la porte et une voix rude demanda :

Qui est là ?

— C’est moi… Annette, grand-père !

— Vraiment, hein ? Eh ! bien, passe ton chemin, ma fille !

— Grand-père ! Ô grand-père ! pleura-t-elle.

Les pas de tout à l’heure s’éloignèrent. Alors, Yvon frappa à son tour à la porte.

— Ouvrez ! commanda-t-il.

— Ouvrir ?… À qui ?

— Nous vous ramenons Mlle Annette, qui a été victime d’un accident…

— Qu’elle retourne… d’où elle vient.

— Voulez-vous ouvrir, s’il vous plait ? intervint le curé. C’est un prêtre qui parle, qui vous demande admission.

Les pas se rapprochèrent de la porte.

— Un prêtre, dites-vous ? fit l’homme de la Maison Grise. En quel honneur…

— J’ai à vous parler, M. Villemont, reprit le prêtre. Mlle Annette est sous mes soins ; je vous la ramène.

— Oui, hein ?… C’est bon ; je vais ouvrir.

Annette et les trois hommes entendirent le bruit d’une barre de fer tombant sur le plancher, puis la porte s’ouvrit.

— Ah ! fit l’homme de la Maison Grise, en apercevant ceux qui accompagnaient la jeune fille. M. Jacques… M. Ducastel… Vous me faites trop d’honneur vraiment ! ajouta-t-il, d’un ton sarcastique.

— Vous nous avez reçus avec tant d’amabilité et de cordialité, lorsque nous avons eu l’honneur de séjourner sous votre toit, que nous ne cherchions que l’occasion d’y revenir, répondit Yvon, sur le même ton.

— Ne soyez donc pas si… si spirituel, jeune homme, dit l’ermite.