ma chambre faire un brin de toilette et je vous rejoins…
— Nous allons vous attendre.
— Non ! Non ! Commencez à dîner, je vous prie… Comment se porte M. Francœur ? Je ne me suis pas encore informé de sa santé.
— Oh ! Étienne est toujours d’une santé superbe, M. Ducastel. S’il va être surpris un peu de vous savoir de retour !… Je vais l’envoyer à l’écurie, soigner votre cheval.
— Je me suis occupé de Presto, Mme Francœur ; que M. Francœur ne se dérange pas. À tout à l’heure !
Yvon dut donner quelques explications à ses bons amis, qui l’écoutaient avec grand intérêt.
— Et ce monsieur qui a été blessé, où l’avez-vous donc laissé, M. l’inspecteur ? demanda Mme Francœur. Pourquoi ne l’avoir pas fait transporter ici ?
— C’était trop loin, voyez-vous ; il n’aurait pu endurer le trajet.
— Mais, où est-il ? demanda Étienne.
Yvon ne put s’empêcher de sourire, tant cela l’amusait de penser à l’effet qu’il eut produit s’il eut pu répondre : « J’ai laissé mon malade à la Maison Grise » ! Mais il avait promis le secret ; il se contenta donc de répondre :
— M. Jacques (c’est le nom de ce monsieur) est dans un petit chantier, à quelque distance d’ici, et je vous assure que nous y sommes installés fort confortablement…… comme des princes.
— Dans un chantier ! s’exclama Étienne Francœur. Tenez, M. Ducastel, si vous le désirez, j’attellerai bien mon cheval à mon express et nous irons chercher ce monsieur.
— Rien ne serait plus facile, fit Mme Francœur.
— Nous pourrons le coucher dans le fond de l’express, sur de la paille et…
— Votre idée serait excellente, M. Francœur, si M. Jacques pouvait supporter le trajet ; mais, je le répète, il ne le pourrait pas. Une entorse…
— C’est bien, bien souffrant, acheva Mme Francœur. Tu te souviens, ajouta-t-elle, en s’adressant à son mari, quand tu t’es donné une entorse, il y a trois ans, il n’y avait pas moyen d’approcher de ton lit, sans que tu protestes : « Prenez garde à mon pied » ! criais-tu sans cesse.
— Oui, je m’en souviens…
— Alors, tu dois comprendre que M. Jacques, le malade…
— Cependant, M. Francœur, fit Yvon, je vous demanderai peut-être de me louer votre voiture, pour un jour ou deux, d’ici une quinzaine.
— Vous « louer » ma voiture, dites-vous, M. l’inspecteur ? Vous la « louer » ?… Je vous la prêterai, pour le temps que vous le désirerez, car, vous le savez, ce n’est pas tous les jours que je m’en sers ; l’ai plus souvent besoin de mon tombereau que de mon express.
— Merci d’avance alors, mon ami ! dit le jeune homme… Il ne s’est passé rien d’extraordinaire durant mon absence… à la houillère, je veux dire ?
— Non, rien… Excepté qu’on est venu ici, lundi matin, demander si vous étiez parti.
— Vraiment ? Que me voulait-on ?
— On voulait vous demander un permis, pour des étrangers, qui désiraient descendre dans la mine.
— Je suis bien content d’avoir été absent, alors, car, vous le savez, M. Francœur, c’est toujours malgré moi que j’admets des étrangers dans la mine.
— Oui, je sais…
— Maintenant. Mme Francœur, je suis obligé de faire comme les sauvages ; vous quitter aussitôt après avoir mangé votre exquis dîner. J’ai… je ne sais combien de commissions à faire, en ville.
— Avant de partir, M. Ducastel, ne me direz-vous pas ce que vous avez pensé du Sentier de Nulle Part ?
— Le Sentier de Nulle Part ?… Ah ! oui, le Sentier de Nulle Part… répondit Yvon. Eh ! bien, je vous avouerai, M. Francœur, que c’est un sentier duquel on ne cherche qu’à sortir, une fois qu’on y a pénétré.
— Il me semblait bien qu’il devait en être ainsi !
— En revanche, je puis vous assurer, mon ami, d’une chose : c’est que le Sentier de Nulle Part n’est pas hanté, dit le jeune homme en riant.