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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

— Et fort content de l’être, croyez-le, M. le Curé !

— Je vous retrouve en pleine voie de guérison, n’est-ce pas ?

— Veuillez m’excuser si je ne peux me lever pour vous recevoir, M. le Curé…

— Allons donc ! répondit le Curé… Je suis, inutile de le dire, bien heureux de vous revoir parmi nous.

— Et moi donc !… Quelle joie d’être de retour dans ma chère Ville Blanche !… et de revoir notre bon curé ! s’écria Lionel Jacques en souriant. Je disais justement, tout à l’heure à Yvon… Mais, j’oubliais de vous présenter mon jeune ami : M. Yvon Ducastel, M. le Curé !

— Ah ! M. Ducastel ! fit le curé. M. Jacques m’a beaucoup parlé de vous, dans ses lettres : il m’a dit le dévouement et les soins dont vous l’avez entouré… Comment aimez-vous la Ville Blanche, M. Ducastel, hein ?

— Je l’aime à la folie, M. le Curé ! C’est féerique, selon moi. Je me propose d’en faire le tour aujourd’hui.

— Si vous aimez à m’accompagner ; j’ai précisément affaire à l’autre bout de la ville, dit le prêtre en se levant. Je me rends chez les Cloutier, ajouta-t-il, s’adressant à Lionel Jacques, cette fois.

— Y a-t-il des malades là ?

— C’est le vieux père Cloutier… Il s’est mis dans la tête qu’il était pire… Mais, vous le comprenez, à son âge…

— Il dépasse quatre-vingt, n’est-ce pas ?

— Il a eu quatre-vingt-quatre ans le mois dernier, me dit son fils… Allons ! Je pars. Si vous êtes disposé à m’accompagner, M. Ducastel…

— Avec le plus grand plaisir du monde, M. le Curé !

Nous arrêterons à mon presbytère, soit en allant, soit en revenant ; je tiens à ce que vous voyez comment est logé le curé de la Ville Blanche, mon jeune ami… De plus, je crois que ma collection de livres vous intéressera.

— J’en suis certain d’avance, répondit Yvon.

— Vous partez déjà, M. le Curé ! s’exclama Lionel Jacques.

— Il le faut… C’est aujourd’hui samedi vous savez et j’ai beaucoup à faire. Au revoir, mon ami !

— À bientôt, M. le Curé !… Demain… n’oubliez pas que vous dînez ici, n’est-ce pas ?

— Comme je le fais chaque dimanche… Non, je n’aurai garde d’oublier… Immédiatement après la grand’messe, vous me verrez arriver.

— Votre église m’a l’air bien jolie, interrompit Yvon : si l’intérieur répond à l’extérieur…

— Certes ! fit le curé. Blanc et or… tout est blanc et or dans l’église de la Ville Blanche, et lorsque nous aurons une cloche, pour sonner la messe, les vêpres et l’Angelus, ce sera parfait.

— Comment ! Il n’y a pas de cloche dans ce coquet clocher ?

— Pas encore ; mais ça ne tardera pas, dit Lionel Jacques en souriant.

M. Jacques en a ordonné une et le 29 juin, à l’occasion de la solennité de la fête Saint Pierre — Saint Paul, nous aurons la bénédiction de notre cloche. Peut-être serez-vous un de ses parrains, M. Ducastel ? demanda le prêtre.

— Mais, avec grand plaisir, répondit Yvon. Quant à la marraine… il vous faudra m’en trouver une, M. le Curé, ajouta-t-il en riant, car, quoique je connaisse nombre de jeunes filles, je n’ai pas d’amie particulière parmi elles.

— Ha ha ha ! rit le prêtre.

— C’est un fait, vous savez ! s’écria le jeune homme. J’ai toujours été si occupé que je n’ai jamais trouvé le temps de courtiser aucune jeune fille encore. Donc, si je dois être parrain de la cloche…

— Oh ! Je n’ai pas de doute que vous trouviez facilement la marraine, M. Ducastel, dit le curé en riant.

— Pour le moment, dans tous les cas…

— Mais d’ici là…

— Nous verrons bien ! acheva Yvon, riant de plus belle.

Lorsque notre jeune ami revint, fort enchanté, de son excursion à travers la Ville Blanche, il dit à Lionel Jacques :

— Il est très aimable votre curé.